Nkembo : avortement clandestines, quand le marché devient une menace pour la santé publique

Dans les allées du marché de Nkembo à Libreville, un commerce illégal aussi discret que mortel prospère depuis plusieurs années. À visage découvert ou dans le chuchotement des vendeurs ambulants, des pilules abortives sont proposées sans ordonnance ni encadrement médical. Une pratique dangereuse, révélatrice d’un vide institutionnel autour de la santé reproductive et d’un échec criant des politiques publiques en matière d’éducation sexuelle et d’accès aux soins.
Des médicaments vendus à la sauvette, au péril de la vie. Derrière les étals de légumes et les stands de friperie, de jeunes revendeurs proposent ce qu’ils appellent à voix basse « les médicaments pour avorter ». Ces pilules, souvent génériques, parfois contrefaites, sont vendues entre 20 000 et 50 000 FCFA. Le tout, sans aucune garantie de qualité ni accompagnement médical. « Les avortements non sécurisés sont des interruptions de grossesse réalisées hors de toute structure sanitaire agréée, par un prestataire non formé et avec des produits pharmaceutiques non contrôlés », alerte le Dr Nathalie Ambounda, gynécologue-obstétricienne au CHUL.
Et les conséquences sont dramatiques : hémorragies sévères, infections, stérilité, insuffisance rénale ou même décès. Des complications qui, selon les professionnels de santé, représentent aujourd’hui une part importante des urgences gynécologiques dans les hôpitaux de la capitale.
L’État défaillant face à une urgence sanitaire et sociale
Si la vente de médicaments en dehors des circuits officiels est interdite par la loi, le commerce informel d’avortifs semble bénéficier d’une tolérance de fait. « Tu n’as même pas besoin de chercher longtemps. Dès qu’ils te voient arriver, ils te proposent des produits pour avorter », témoigne Murielle, une jeune femme ayant déjà eu recours à ces pilules.
Ce phénomène s’explique par une triple faille : un accès difficile aux moyens de contraception, une législation floue sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG), et une absence de politiques d’éducation sexuelle adaptées. Le silence et le tabou qui entourent les questions de sexualité et de maternité non désirée poussent de nombreuses jeunes femmes à s’exposer à des pratiques mortelles.
Une responsabilité collective à assumer
Dans un contexte de précarité sociale et d’exclusion sanitaire, ces avortements clandestins deviennent la norme pour une frange importante de la population féminine. Le marché de Nkembo n’est ici que le miroir grossissant d’une réalité nationale, où l’accès aux soins reste un luxe et où le corps des femmes demeure un territoire de non-droit.
Il est temps que l’État gabonais agisse. Non seulement en réprimant le commerce illégal de substances dangereuses, mais surtout en posant les bases d’une politique publique de santé sexuelle et reproductive digne de ce nom. Légaliser, encadrer et sécuriser l’IVG, renforcer l’accès aux contraceptifs et sensibiliser la jeunesse ne sont pas des options, mais des impératifs. Car au rythme actuel, ce ne sont pas seulement des grossesses qui sont interrompues à Nkembo, ce sont aussi des vies.
GMT TV