Médias : RSF s’insurge contre le projet d’entrer au capital de TV5 Monde de plusieurs pays africains
La volonté affichée par la chaine de télévision TV5 Monde d’ouvrir son capital à sept pays africains avec comme ambition une « plus grande horizontalité » de la chaîne francophone, n’est véritablement pas du goût de l’organisation non gouvernementale internationale Reporter sans frontière (RSF). Dans un communiqué rendu public ce jeudi 18 avril, elle a exprimé sa vive inquiétude sur ce projet qui laisse planer des risques sur l’indépendance de la chaine vis-à-vis de ces pays où la liberté de la presse est très souvent bafoué.
Selon des informations relayées ces dernières semaines par plusieurs médias du continent et un document produit en interne par TV5 Monde relatif à ce projet obtenu par RSF, le patron de la chaine francophone Yves Bigot, qui compte déjà son capital des sociétés audiovisuelles publiques françaises, belge, canadienne, québécoise, suisse et monégasque, souhaiterait élargir le nombre de ses actionnaires. Un projet qui ferait l’objet d’une tournée dans différents pays.
Une entrée au capital de TV5 qui fait débat
Si le responsable de TV5 Monde justifie ce projet au nom d’une « plus grande horizontalité », de nombreux acteurs du monde des médias voient d’un mauvais œil ce projet. C’est notamment le cas de Reporter sans frontière qui estime que l’arrivée du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Bénin, du Congo, du Cameroun, du Gabon ou de République démocratique du Congo pourrait donner lieu à une remise en cause de l’indépendance de sa rédaction et la fiabilité de ses contenus d’information.
D’ailleurs, RSF relevé que plusieurs de ces pays sont connus pour leurs atteintes répétées à la liberté de la presse. « Solliciter une junte militaire, le Gabon et deux pays, le Cameroun et le Congo, dirigés par les mêmes hommes depuis des décennies et dont l’actualité est régulièrement émaillée d’assassinats et de détentions arbitraires de journalistes, soulève des inquiétudes légitimes quant au futur de l’information sur cette chaîne publique », a souligné le responsable du bureau investigation de RSF Arnaud Froger.
Il faut d’ailleurs noter que l’ouverture du capital de TV5 Monde pourrait couter la bagatelle somme de 4,2 millions d’euros, soit plus de 2,7 milliards de FCFA. Une dépense facétieuse qui contrasterait avec les moyens octroyés aux chaines de télévision publique de ces pays, ce malgré leur propension à être des caisses de résonance des pouvoirs en place. C’est notamment le cas au Gabon où les chaines de télévision publique, en plus de ne disposer d’aucun moyen conséquent, malgré la mise en place d’une Redevance audiovisuel et cinématographique (RAC) censé améliorer ses programmes, s’est mué depuis des décennies en instrument de propagande des régimes successifs.
Pis, Reporter sans frontière ne manque pas d’exprimer son inquiétude sur la posture des journalistes de la chaine qui par crainte pourraient s’adonner à un traitement plus édulcoré de l’actualité, voire de l’autocensure dans certains de ces pays. Par ailleurs, si Yves Bigot assure qu’un travail a été entamé pour renforcer les mécanismes visant à protéger l’indépendance de la rédaction. Le paysage médiatique international reste dans l’expectative.