Libreville : ventes ambulantes interdites, que faisaient les prédécesseurs d’Adrien Nguema Mba ?

La récente décision municipale d’interdire la vente ambulante de nourriture à Libreville, prise par le délégué spécial Adrien Nguema Mba, soulève une question fondamentale que personne ne semble vouloir poser frontalement : que faisaient donc ses prédécesseurs pendant tout ce temps ? Étaient-ils aveugles, incompétents ou simplement indifférents face à la prolifération anarchique de pratiques commerciales à risque pour la santé publique ?
Les textes sur lesquels s’appuie la mairie ne datent pas d’hier. L’arrêté municipal de février 2000, modifié en 2004, et la loi organique de 2015 sur la décentralisation sont clairs : les autorités communales disposent d’un pouvoir de police administrative leur permettant d’interdire toute activité compromettant l’hygiène publique. Pourtant, pendant deux décennies, rien ou si peu n’a été fait.
Pourquoi ont-ils laissé les vendeurs s’installer, se multiplier, s’enraciner jusque devant les hôpitaux, les écoles et les bâtiments administratifs ? Par calcul politique ? Par lâcheté ? Par clientélisme ? À force de tolérance complice, ils ont contribué à légitimer l’illégalité. En refusant d’assumer leur rôle, ils ont abandonné l’espace public à l’informel et exposé les populations aux risques sanitaires les plus élémentaires.
Un réveil brutal, après des années de silence coupable
Il aura donc fallu attendre l’arrivée d’un délégué spécial nommé par un pouvoir issu de la transition pour qu’enfin l’évidence soit actée : vendre de la nourriture sans aucun contrôle sanitaire au bord de la route est dangereux, illégal, et inacceptable dans une capitale. Ce n’est ni populiste ni technocratique de le dire : c’est une question de santé publique. Point.
Mais alors, où étaient ceux qui hier occupaient les mêmes fonctions, investis des mêmes prérogatives, face à la prolifération du “Nike”, du “coupé-coupé”, ou du café ambulant servi à même les bassines ? Ont-ils démissionné de leur devoir ? Ou ont-ils cyniquement préféré fermer les yeux pour éviter le “coût politique” d’une décision impopulaire ?
Il ne suffit pas d’interdire, encore faut-il réparer. Certes, la décision d’Adrien Nguema Mba soulève la question sociale, et elle est légitime : quid des centaines de vendeurs désormais sans activité ? Mais cette précarité n’est pas née de l’interdiction. Elle est le fruit d’années d’inaction municipale, d’urbanisme sans régulation, et d’un mépris chronique pour l’économie populaire. Le mal était déjà là. Ce que fait aujourd’hui la mairie, c’est poser un acte de rupture.
Il est donc trop facile de crier à la répression sans interroger l’héritage d’irresponsabilité. Libreville n’a pas besoin de gestionnaires timorés, mais d’autorités capables d’assumer l’autorité de l’État dans l’espace public. Et si cela commence par dire non à l’anarchie alimentaire, alors ce n’est pas trop tôt.
Un signal fort, qui oblige à repenser le rôle des mairies. Cette interdiction est un électrochoc salutaire. Elle rappelle que les textes de loi existent, mais que seule la volonté politique permet leur application. À l’heure où les questions de santé publique, de justice urbaine et d’équité territoriale sont au cœur du discours de la transition, Libreville montre la voie. Reste maintenant à bâtir les alternatives. Car interdire sans offrir de solution, ce serait reproduire les erreurs du passé. Et ça, le Gabon ne peut plus se le permettre.
GMT TV