Leconi : abandon de nouveau-né, une détresse sociale qui interroge la société gabonaise

Placée sous mandat de dépôt à la prison centrale de Franceville depuis le 3 juin 2025, Stance Mellissa Ondja, 23 ans, est accusée d’avoir abandonné son bébé dans les toilettes publiques de Léconi. Si la justice suit son cours, cette affaire soulève en profondeur les angles morts de notre système de protection sociale et de santé maternelle.
Un acte dramatique, une société silencieuse. Le 31 mai dernier à Léconi, dans le Haut-Ogooué, une scène glaçante a rappelé la vulnérabilité des plus faibles. Un nourrisson, retrouvé dans un sachet plastique dans les toilettes publiques, a pu être sauvé in extremis grâce à l’attention d’une passante. Quelques heures plus tard, les forces de l’ordre identifiaient et interpellaient la mère présumée, Stance Mellissa Ondja. Placée sous mandat de dépôt après son audition le 3 juin devant le juge d’instruction de Franceville, elle attend aujourd’hui d’être fixée sur son sort.
Si le geste est choquant et la justice doit s’exercer avec rigueur, cette affaire met aussi en lumière un silence plus lourd encore : celui de l’exclusion sociale, de la précarité féminine et du désespoir qui pousse certaines mères à l’abandon.
Un drame personnel, un échec collectif
Car derrière ce drame personnel, c’est tout un système qui interroge. Où sont les structures d’accueil, les dispositifs de soutien psychologique, les relais sociaux de proximité pour les mères isolées ? Quelle prévention avons-nous mise en place pour anticiper de tels passages à l’acte ? Quelle éducation sexuelle, quel accompagnement psychologique, quel accès à la contraception pour éviter que la maternité ne soit perçue comme un fardeau insurmontable ?
Dans un pays où les jeunes femmes subissent souvent une double peine – pauvreté et stigmatisation –, le silence des institutions est tout aussi coupable. « Ce n’est pas seulement une affaire judiciaire, c’est un signal d’alarme pour nos politiques publiques », confie une assistante sociale à Franceville, sous couvert d’anonymat.
Une justice à rendre, mais aussi une réforme à penser
Tandis que Stance Mellissa Ondja attend son procès, sans doute dans le cadre d’une procédure de flagrant délit, il est urgent que l’État, les collectivités locales et les acteurs de la société civile s’emparent de ce sujet. Punir, oui, mais prévenir, surtout.
À l’heure où le gouvernement parle de « refondation républicaine » et de restauration des valeurs sociales, que fait-on concrètement pour les femmes laissées pour compte ? Le ministère des Affaires sociales, celui de la Santé, et les collectivités doivent agir ensemble pour faire émerger un véritable filet de protection autour des mères en détresse.
Car si un bébé a pu survivre, cette fois, combien d’autres drames, plus silencieux, échappent encore à notre regard ? Une société se juge aussi à sa capacité à protéger les plus faibles. En cela, cet abandon est moins un crime isolé qu’un symptôme collectif.
GMT TV