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Le Parking communautaire : une innovation étatique au profit de la jeunesse Gabonaise

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Gabin, jeune gabonais et père de famille vit de l’aumône qu’il reçoit des automobilistes à la recherche d’une place de parking. La précarité, il la vit depuis son enfance sans espoir d’offrir un meilleur avenir à sa fille, victime de maltraitance infantile par son beau-père. Bien que son occupation soit utile à la société, il exerce dans un secteur informel dépourvu de toute sécurité de l’emploi. Tout comme lui, Yohan fait le récit d’un quotidien instable dans un reportage à cœur ouvert réalisé par MNA PROD. Devenus viraux sur les réseaux sociaux, leurs témoignages révèlent les coulisses d’une jeunesse démunie qui demeure invisible aux yeux de notre société. 

Loin d’être des faits isolés, ces narrations nous rappellent que l’insertion professionnelle des jeunes représente un véritable enjeu socio-économique au Gabon et sur tout le contient. En effet, selon le FMI, l’Afrique doit créer +18 millions de nouveaux emplois chaque année afin d’absorber les quelques 1,25 milliards de personnes en âge de travailler d’ici 2050 [1]. Avec un taux de chômage chez les jeunes estimé à 40 % pour le Gabon [2], ces prévisions doivent nous interpeller sur l’urgence d’apporter des solutions imminentes. Dans ce contexte alarmant émerge alors une interrogation : quelles perspectives pour la jeunesse marginalisée du secteur informel ? 

Parmi les mécanismes envisagés, l’introduction d’une politique de stationnement payant représente une solution aux bénéfices économiques multiples applicable à moyen terme. Ce projet permettrait à l’État à la fois de générer des recettes supplémentaires et de créer des emplois formels propre à ce secteur. 

En s’inspirant du modèle occidental, ce projet s’appuierait principalement sur un système électronique de paiement des frais de stationnement dont les revenus serviraient à rémunérer les services de Gabin et ses coéquipiers. En effet, il ne s’agirait pas ici de remplacer cette main-d’œuvre déjà active mais de l’intégrer à la schématisation d’un modèle plus social. 

Ainsi dans les faits, leurs rôles consisteraient à poursuivre l’encadrement des stationnements pour une meilleure fluidité du trafic mais leur activité deviendrait de facto formelle et reconnue. Pour une conceptualisation plus optimale de ce modèle économique, il est toutefois recommandé de procéder à un appel à projets porté par le Ministère de la Jeunesse en collaboration avec le Ministère de l’Économie et des Participations. 

Au-delà de son caractère innovant, la création d’un “parking communautaire” répond directement à une orientation politique émise par l’Organisation Internationale du Travail (OIT). En effet, la recommandation 204 relative à la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle stipule entre autres que des “ stratégies cohérentes et intégrées devraient prendre en compte la diversité des situations et des besoins des travailleurs et la nécessité d’y répondre par des approches spécifiques[3]”. En capitalisant sur cette opportunité unique, les autorités publiques gabonaises pourraient de ce fait marquer un impact social important auprès de la jeunesse et devenir dans le même temps un partenaire stratégique exclusif sur le sujet. 

Afin de contrer le problème de parcage et réduire la pollution de l’air, plusieurs capitales africaines ont choisi d’appliquer des politiques de stationnement qui se sont avérées lucratives. Ainsi, les frais de stationnement ont permis au comté de Nairobi (Kenya) de réaliser près de 3 milliards de FCFA de recettes fiscales sur les six derniers mois de l’année 2023. À Kampala, capitale ougandaise, ce sont plus de 700 millions de FCFA par an en moyenne qui sont générés par les frais de stationnement pour une population de 1 900 000 habitants. Quant à la ville de Douala, les revenus spécifiques du stationnement contribuant aux recettes sont estimés à 51,19 milliards de FCFA en 2023 à raison d’un tarif horaire de 100F selon la Communauté Urbaine de Douala (CUD)[4]. 

L’introduction du stationnement payant a également permis l’essor d’un écosystème entrepreneurial avec la création de start-ups spécialisées dans le stationnement intelligent pour une meilleure mobilité dans les villes africaines. C’est le cas de l’entreprise EZ PARK au Cameroun ou de ‘Parkwell’ qui aide les conducteurs à trouver aisément des places de parking dans la ville de Lagos. La ville de Dubaï est allée encore plus loin en digitalisant de manière exclusive tous ses services de transport public pour une meilleure transparence via le développement d’une application centralisée (RTA Smart App). Il est vrai que l’évolution de ce secteur révèle la réalité d’une tendance convergente à la digitalisation mais bien qu’éprouvés, ces modes opératoires limitent néanmoins l’inclusion d’une main d’œuvre locale marginalisée. 

Entre défis et opportunités, les gouvernements africains endossent désormais la lourde responsabilité de jumeler croissance durable et répartition équitable des richesses. Et pour cause, le Produit Intérieur Brut (PIB) qui représentait autrefois l’indice économique de référence s’efface progressivement au profit de l’indice de développement humain (IDH)[5]. Considéré comme un indicateur plus inclusif du bien-être des populations, l’IDH offre en effet une perspective plus pertinente pour analyser les réalités sociétales selon le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD). Ce changement de paradigme prépare les fondements d’un monde inévitablement plus conscient et témoigne de l’importance d’une croissance qualitative centrée sur l’humain et son environnement. 

Pour preuve, il n’est pas rare d’observer la naturopathie remplacer la pharmacie, la tradition supplanter la religion, la culture influer sur la politique et le bien-être talonner la productivité. Toutes ces évolutions organiques qui s’accompagnent de la montée des BRICS et de l’Intelligence Artificielle doivent in fine nous inciter à préparer une jeunesse gabonaise qui soit plus résiliente et plus intégrée.

Tiphanie E. Doumba N’Zi, Analyste économique et Rédactrice en chef de The Hybrid Analyst

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