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Gabon : Transport aérien, fiscalité punitive, attractivité en chute libre

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À défaut d’ouvrir le ciel gabonais, le gouvernement ouvre davantage les poches des Gabonais. Le triplement brutal de la taxe de sûreté aéroportuaire, acté par arrêté ministériel le 30 avril 2025 et applicable dès le 1er juin, est une décision aussi incompréhensible qu’irresponsable dans le contexte économique et social actuel. Dans un pays où le pouvoir d’achat s’effondre, où l’attractivité touristique et logistique est en berne, faire le choix d’alourdir les coûts du transport aérien relève d’une politique de courte vue, déconnectée des réalités.

Passer de 3 000 à 7 000 FCFA pour les vols nationaux, de 7 000 à 18 000 FCFA pour les vols régionaux, et de 10 000 à 23 000 FCFA pour les vols internationaux, c’est non seulement renvoyer un signal d’hostilité aux passagers, nationaux comme étrangers, mais c’est surtout frapper de plein fouet un secteur que l’on prétend relancer. Et cela, sans la moindre étude d’impact, ni consultation du secteur, ni anticipation des conséquences économiques sur le tourisme, la mobilité et la compétitivité du pays.

Une fiscalité aveugle qui étouffe la destination Gabon

Déjà fragilisé par une politique de prix peu incitative, le transport aérien au Gabon subit une nouvelle charge qui va mécaniquement renchérir les billets d’avion pour les usagers. Pour un aller-retour Libreville-Franceville, c’est désormais 14 000 FCFA de taxe à prévoir. Pour un vol régional Libreville-Accra, c’est 36 000 FCFA aller-retour uniquement en taxes de sûreté. Et pour un Libreville-Paris, la facture grimpe à 46 000 FCFA, avant même d’inclure les frais de dossier, de carburant ou les taxes aéroportuaires additionnelles. Résultat : le voyage devient un luxe, même pour la diaspora, les hommes d’affaires ou les touristes.

Comment développer le tourisme intérieur ? Comment espérer faire du Gabon une destination compétitive face au Sénégal, au Rwanda ou au Bénin, qui investissent dans des politiques d’attractivité aérienne pendant que nous empilons les barrières tarifaires ? Cette fiscalité de guichet, appliquée au mépris du bon sens économique, affaiblit la destination Gabon, aggrave l’isolement des provinces, et décourage l’investissement.

Quand l’État devient prédateur du portefeuille de ses citoyens

À trop confondre « sécurisation » et « ponction fiscale », l’État gabonais se mue en prédateur silencieux du portefeuille des citoyens. Derrière cette décision signée par l’ancien ministre des Transports Jonathan Ignoumba, aucune explication publique, aucun débat parlementaire, aucune pédagogie budgétaire. Pourtant, cette taxe est prélevée directement au profit de l’État, via les compagnies aériennes. Un prélèvement opaque, injustifié, et qui participe d’un climat général d’insécurité économique pour les ménages.

Plutôt que de chercher à optimiser les coûts de gestion aéroportuaire, à réduire les redondances structurelles ou à améliorer la transparence des flux, le réflexe pavlovien reste le même : faire payer plus cher à ceux qui ont déjà du mal à boucler leurs fins de mois. Et ce, au nom de la « sûreté », sans preuve que ces nouvelles ressources seront véritablement affectées à la sécurisation effective des aéroports.

Ce que le Gabon attend, ce ne sont pas des taxes, mais une vision

Dans un pays en transition, le peuple attend de ses dirigeants une gouvernance responsable, une fiscalité équitable, et une stratégie claire. Multiplier les taxes sans cap ni cohérence, c’est prendre le risque d’asphyxier la relance économique, de décourager les voyageurs, de ruiner les efforts de désenclavement des régions, et de refermer encore davantage le pays sur lui-même.

Si les autorités veulent faire preuve de sérieux, qu’elles commencent par auditer l’utilisation des anciennes redevances, qu’elles communiquent sur la destination des fonds collectés, et surtout qu’elles engagent une vraie réflexion sur le coût réel du transport au Gabon. Le ciel gabonais a besoin d’ouverture, pas d’une fiscalité punitive.

Harold Leckat

Juriste contentieux, Fondateur et Directeur de publication. "La chute n'est pas un échec. L'échec est de rester là où l'on est tombé ", Socrates

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