Gabon : s’en prendre aux étrangers pour camoufler l’impuissance face au chômage ?

Le problème du populisme, c’est qu’il repose sur une mécanique fragile : désigner des boucs émissaires plutôt que d’affronter les vrais défis. Lorsqu’on a épuisé la liste des coupables supposés, il ne reste plus qu’un dilemme : soit instaurer un climat de terreur pour étouffer la grogne sociale, soit faire face à la réalité et admettre que, malgré la stigmatisation des étrangers, le chômage continue de grimper. La récente mesure gouvernementale adoptée en conseil des ministres, interdisant aux étrangers l’exercice de certaines petites activités, illustre cette fuite en avant. Présentée comme une réponse à la précarité des jeunes, elle ne fait en réalité que placer une cible sur le dos de compatriotes étrangers qui, chaque jour, cherchent simplement de quoi nourrir leurs familles.
L’illusion d’un ennemi intérieur ne crée ni emploi ni prospérité : elle divise, tout en évitant d’aborder les vrais problèmes. L’histoire récente le démontre : Giorgia Meloni, élue en Italie sur une rhétorique anti-immigration, a fini par admettre la nécessité de régulariser près de 500 000 étrangers en trois ans, faute de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs clés. Le contraste est saisissant : ceux qu’on désigne comme « menace » deviennent indispensables au fonctionnement de l’économie. La leçon est claire : on ne bâtit pas un pays sur la haine et l’exclusion, mais sur des réformes structurelles capables de libérer les énergies et d’encourager l’innovation.
Populisme et diversion : un poison pour la démocratie
Au Gabon, la dérive populiste traduit surtout l’impuissance du pouvoir à répondre aux attentes sociales. Plutôt que de s’attaquer aux causes profondes du chômage, les responsables politiques agitent le spectre commode de « l’étranger ». Or, la réalité est implacable : dans tous les pays, ce sont les PME et les TPE qui forment la colonne vertébrale de l’économie. Si, chez nous, nombre d’entre elles disparaissent avant même d’avoir fêté leur premier anniversaire, ce n’est pas à cause des travailleurs étrangers mais de la défaillance de l’État. Administration corrompue, politisation des décisions économiques, clientélisme, pression fiscale étouffante, taxes illégales, absence de politique publique viable en matière d’entreprenariat, contrats non respectés par des entités publiques comme la Caisse des dépôts et consignations : voilà les véritables freins à l’entrepreneuriat et à l’emploi.
Cette politique stigmatisante n’est d’ailleurs pas nouvelle puisque lors du débat sur la bi-nationalité, on promettait la fin de la mauvaise gouvernance après l’exclusion des bi-nationaux des sphères sensibles. Pourtant, rien n’a changé : favoritisme, nominations copains – coquins et consanguins, fraudes massives dans les concours d’Etat, instrumentalisation de la justice. Résultat : une jeunesse désabusée, frappée par le chômage, qui assiste impuissante à la reproduction sociale d’une élite déconnectée. Ces mesures populistes, loin de résoudre les problèmes, ternissent l’image du Gabon, isolent le pays sur la scène africaine et détournent l’attention des vraies priorités : une gouvernance planifiée, l’orientation stratégique des recettes pétrolières, la lutte contre la corruption et une politique entrepreneuriale solide.
Les 25 milliards de Fcfa mis à disposition de la BCEG pour soutenir les PME locales ne suffisent pas. Encore faudrait-il bâtir des structures de formation adaptées, définir une vision claire de l’entrepreneuriat, doter la Chambre des métiers de l’artisanat de moyens solides, et surtout tirer des leçons des échecs passés. Où est la transparence promise ? Combien d’entreprises survivent au-delà de deux ans ? Quelles mesures concrètes d’accompagnement ont été mises en place ? Près de deux ans après l’annonce de la priorité donnée aux PME gabonaises dans les marchés publics de moins de 150 millions de Fcfa, aucun rapport officiel en guise de bilan n’a vu le jour. A l’inverse, les réseaux sociaux continuent de révéler les pratiques anciennes : favoritisme, opacité, promesses non tenues. À force de chercher des coupables ailleurs, le gouvernement oublie l’essentiel : sans réformes profondes, sans transparence et sans courage politique, il ne pourra ni restaurer la confiance, ni bâtir une économie résiliente au service des Gabonais.
GMT TV