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Gabon : l’État incapable d’endiguer le fléau des produits éclaircissants toxiques ? 

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Malgré des textes clairs et des sanctions lourdes, les produits dépigmentants interdits envahissent toujours les marchés, les réseaux sociaux et les salons clandestins. Ministère de la Santé défaillant, forces de l’ordre passives, absence de contrôles : le phénomène prospère sous les yeux d’un pouvoir public incapable d’imposer la loi.

Une législation stricte… mais un État absent. Depuis l’Arrêté n°000002/MSAS/CAB du 11 octobre 2023, la mise en vente de produits contenant du mercure et autres substances toxiques est formellement interdite. Le Code pénal, par son article 361, prévoit jusqu’à cinq ans de prison et 50 millions de francs CFA d’amende pour les contrevenants.

Ministère de la Santé : des textes sans exécution

Sur le papier, le Gabon dispose l’un des cadres les plus stricts d’Afrique centrale. Dans la réalité, le marché clandestin prospère. De Mont-Bouët à Nzeng-Ayong, des boutiques continuent d’exposer des crèmes « trois jours », des sérums blanchissants et des cocktails chimiques non identifiés… en toute impunité.

Le ministère de la Santé, pourtant initiateur de la réforme, peine à assurer le minimum : multiplication des inspections sanitaires ? inexistante ; retrait des produits dangereux ? sporadique ; sanctions contre les revendeurs ? rarissimes. Résultat : les commerçants n’ont tout simplement plus peur de la loi.

Réseaux sociaux, e-commerce : la défaite totale des forces de l’ordre

Alors que le marché se digitalise, les forces de l’ordre sont totalement dépassées. Les ventes se font désormais via : pages Facebook anonymes ; statuts WhatsApp ; boutiques TikTok ; livraisons discrètes à domicile.

Pourtant, l’article 69 de la Loi n°027/2023 sur la cybersécurité prévoit cinq ans d’emprisonnement et 10 millions d’amende pour la vente en ligne de produits interdits.

Police, gendarmerie : silence coupable ? 

Ni la police nationale, ni la gendarmerie ne semblent mobilisées. Le phénomène prospère en pleine lumière : vidéos promotionnelles diffusées publiquement, commandes gérées par mobile money, livraisons organisées au vu et au su de tous. L’absence d’interpellations montre une réalité implacable : le laxisme sécuritaire a offert un boulevard à un marché criminel.

La dépigmentation volontaire – le « Kwandza » – n’est pas seulement un effet de mode. Elle est devenue un phénomène de masse, avec des conséquences sanitaires dramatiques : brûlures graves ; insuffisances rénales ; intoxications neurologiques ; dépendance chimique cutanée.

Mais aucune campagne nationale de sensibilisation digne de ce nom n’a été menée. Aucune stratégie éducative n’a été déployée. Les seules initiatives proviennent… de médecins sur les réseaux sociaux.

Un ministère de la Santé dépourvu de stratégie de santé publique ? 

Plutôt que de protéger, l’État observe. Plutôt que de prévenir, il se tait. Cette inertie renforce un sentiment d’abandon sanitaire, au moment même où les produits vendus détruisent la santé de milliers de jeunes femmes.

Le résultat est un écosystème mafieux qui prospère parce que l’État ne fait rien de vraiment coercitif. Dans n’importe quel pays, un tel niveau d’inaction serait un scandale de santé publique.

Quand l’État abdique, les citoyens paient le prix

Laisser ces produits circuler, c’est accepter : que des jeunes femmes brûlent leur peau ; que des salons clandestins prospèrent ; que des substances toxiques circulent librement ; que la santé soit livrée au marché noir.

La lutte contre le « Kwandza » ne sera gagnée que si l’État redevient souverain. Tant que le pouvoir public restera immobile, le crime prospérera, et les corps continueront de payer pour l’indifférence collective.

Geneviève Dewuno Edou

Diplômée en journalisme,je suis chargée des rubriques Santé en plus d’être l’une des voix derrière de nombreux reportages de GMTtv. L'écriture, la pose de voix, la présentation du Journal télévisé sont les principales tâches que j’exécute et pour lesquelles je mets mes capacités au quotidien au profit de la rédaction de Gabon Media Time.

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