Gabon : les ministres-candidats aux législatives doivent siéger, le régime présidentiel l’oblige !
Ils ont bataillé, dépensé des fortunes, mobilisé des moyens colossaux, parfois démesurés, pour obtenir l’onction populaire. Ils ont sillonné les circonscriptions, promis monts et merveilles, sollicité le suffrage du peuple… Et une fois élus, certains espèrent tranquillement retourner dans leurs fauteuils ministériels, comme si le mandat parlementaire n’était qu’un ticket de parking provisoire. Le président Brice Clotaire Oligui Nguema devrait mettre fin à cette gymnastique politique. Ils ont voulu aller aux élections, ils ont été élus, ils doivent siéger.
La purge du 14 novembre, qui a vu des ministres sortir du gouvernement après leur victoire aux législatives et sénatoriales, n’est pas un coup de théâtre. C’est une logique implacable. Dans un régime présidentiel comme celui de la Ve République gabonaise, on ne peut pas vouloir être tout à la fois : ministre tout-puissant, député influent ou sénateur honoré. On choisit. Et on assume.
Ces ministres-candidats ont cherché la légitimité du peuple. Ils l’ont obtenue. Logiquement, ils doivent honorer ce mandat, intégralement, comme l’exige la Constitution de la Vème République qui consacre un régime présidentiel. Car comment expliquer à une population éprouvée qu’un ministre qui a investi des millions en campagne, mobilisé des foules, sollicité des voix, une fois élu… refuse de siéger ?
Dans quel pays sérieux un candidat victorieux considère-t-il l’Assemblée nationale ou le Sénat comme un simple vestibule vers le gouvernement ?
En régime présidentiel, le mandat parlementaire n’est pas un hobby
Les électeurs ne sont pas des marchepieds. Ils choisissent un représentant pour qu’il les représente. Les États-Unis, modèle assumé de plusieurs partisans du régime présidentiel au Gabon, n’offrent aucune ambiguïté : un membre du gouvernement ne peut solliciter le suffrage du peuple, l’obtenir et souhaiter repartir au gouvernement sans siéger. Il démissionne, il choisit de représenter le peuple qui l’a élu, il ne navigue pas entre les deux pouvoirs, exécutif, pour les privilèges de membres du gouvernement, et législatif pour l’immunité et l’assurance.
Imagine-t-on un Secrétaire d’État américain se présenter au Congrès, être élu, puis refuser de siéger pour finalement espérer avec une foi de moine réintégrer la Maison-Blanche ? Inimaginable. Inacceptable. Inexistant. Du jamais vu.
La Ve République gabonaise réclame la même cohérence. Le Gabon n’est pas un pays entièrement à part dans le concert des nations. Il est un pays à part entière. On ne peut pas réclamer un régime présidentiel “fort”, puis refuser ses règles les plus élémentaires.
Les ministres démissionnaires ne sont pas victimes : ils sont simplement remis face à leur choix
Ils ont arraché des victoires parfois contestées, parfois méritées, souvent coûteuses. Ils ont promis d’être la voix de leurs circonscriptions. Ils ont sillonné les villages, les cantons, les quartiers, les communes, les départements. Ils ont juré qu’ils iraient à l’Assemblée nationale « défendre le peuple ».
Le président Oligui Nguema les a simplement renvoyés vers leurs électeurs. C’est la moindre des choses. C’est la première marque de respect envers la démocratie représentative consacrée par la loi fondamentale issue du référendum de novembre 2024.
En réalité, cette décision corrige une dérive vieille de plusieurs décennies : au Gabon, on s’est longtemps présenté aux élections législatives non pas pour siéger, mais pour sécuriser une légitimité politique destinée à être monnayée au gouvernement. Cela n’est malheureusement plus possible au regard du grand revirement consacré par le Vème République, si chère au président de République Brice Clotaire Oligui Nguema.
Le gouvernement resserré n’est pas une punition : c’est la conséquence d’un choix assumé
En renvoyant les ministres élus au Parlement et au Sénat, le président met fin à l’idée selon laquelle l’exécutif serait une salle d’attente permanente pour les ambitieux. Désormais, si l’on veut gouverner, on ne se présente pas aux élections parlementaires. Si l’on veut légiférer, on ne reste pas au gouvernement. C’est le ba.ba d’un régime présidentiel.
Les ministres élus députés, démissionnaires du gouvernement ne sont donc pas « sacrifiés ». Ils sont réorientés vers leur mission première, laquelle découle du suffrage universel direct : siéger, voter les lois, contrôler l’action du gouvernement. Ce sont précisément les responsabilités qu’ils ont réclamées pendant la campagne.
Et pour le pays ? Un signal politique salutaire
La séquence du 14 novembre marque un tournant qui clarifie plusieurs principes essentiels : On ne peut pas s’offrir un mandat parlementaire comme une décoration, l’élection a un sens, une fonction, une responsabilité et le régime présidentiel a des codes, il faut les appliquer sans état d’âme. Pour la première fois depuis longtemps, l’État impose une cohérence institutionnelle.
La Ve République gabonaise ne pourra fonctionner que si ses acteurs jouent franc jeu : on ne peut pas courir tous les lièvres institutionnels à la fois. Les ministres élus à l’Assemblée et au Sénat ne sont pas des « exilés ». Ils sont simplement rappelés à leur mission. La démocratie n’est pas un buffet où chacun se sert selon son appétit du moment.
C’est un contrat. Et quand on demande la voix du peuple, on doit ensuite la porter. Pas la contourner. Le message est clair : On ne triche pas avec le suffrage universel. On ne triche plus avec les institutions.








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