Gabon: le conflit autour des obsèques, un phénomène qui cristallise la société
Depuis quelques années, il ne se passe pas une semaine sans qu’il ne soit signalé un litige lié à la gestion des obsèques opposant très souvent la famille du défunt, le conjoint survivant et les enfants. Une situation pour le moins complexe qui au demeurant a un impact non seulement pour la cohésion familiale mais aussi sur le tissu social car source de conflit.
Il n’est un secret pour personne que dans la société gabonaise, la gestion liée aux obsèques d’un défunt est régis par la coutume. En effet, s’il s’agissait d’un homme marié, c’est la famille de ce dernier qui avait la charge des funérailles et de l’inhumation. Pour le cas de la femme mariée c’est l’epoux qui se doit de se charger des obsèques. Sauf que depuis quelques années, cette donnée semble ignorée, donnant désormais lieu à des conflits souvent tranchés devant les tribunaux.
Si dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Gabon Matin, l’ancienne procureur de la République Sidonie Flore Ouwe, relevé l’inexistence de disposition régissant les obsèques d’un conjoint, la magistrate estime qu’il est nécessaire de légiférer sur cette question. « Cette question embête énormément. Il faut qu’on s’asseye afin de trouver une solution médiane au problème; et que tout le monde trouve son compte », a-t-elle insisté.
Au-delà de cette position, certaines dispositions du Code civil peuvent donner quelques pistes de solutions. En effet, depuis l’entrée en vigueur de la loi n°02/2015 du 25 juin 2015 modifiant et abrogeant certaines dispositions de la loi n°19/89 du 30 décembre 1989 portant adoption de la deuxième partie du Code civil, le Conseil successoral a remplacé l’ancien Conseil de famille, ce qui suppose que désormais seul le premier cité est en mesure de prendre des décisions concernant la succession du défunt. Il faut d’ailleurs souligner que ledit conseil successoral est, selon l’article 699 nouveau, composé que des héritiers du défunt qui sont le ou les conjoints survivants, les ascendants et les descendants.
Toute chose qui suppose que si ces ayants droits sont les seuls habilités à connaître de la succession du défunt, ils peuvent également être au cœur de la gestion de ses obsèques. Ainsi, pour éviter l’imbroglio, il revient aux juges civils de déterminer de façon claire sa jurisprudence à l’aune des dispositions actuelles du Code civil plutôt que de se murer derrière des règles coutumières qui ne sont uniformes, puisque le Gabon dispose de plus d’une cinquantaine d’ethnies et presqu’autant de coutume.
C’est d’ailleurs ce que constate Ricky Nguema Eyi, enseignant chercheur à l’Université Omar Bongo, rapporte Gabon Matin. « Dans nos traditions, les obsèques ne se négocient pas de la même façon chez les nzebis, kotas que chez les fangs. Nous sommes tous bantous mais nous enterrons nos morts de la même façon », précise-t-il. C’est pour cette raison, que la loi qui est générale, impersonnelle et coercitive doit s’imposer à tous tel que l’a souhaité le législateur en supprimant le Conseil de famille au profit du Conseil successoral, notamment pour protéger la veuve et les orphelins.