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Gabon : l’affaire Opiangah ou la faillite de l’État de droit !

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Alors que le président Brice Clotaire Oligui Nguema prônait le 3 mai dernier une justice équitable et une République fondée sur l’État de droit, l’affaire Hervé Patrick Opiangah continue d’ébranler la crédibilité du système judiciaire gabonais. Entre violations manifestes des procédures, manipulation supposée des institutions et silence pesant des plus hautes autorités, le dossier prend l’allure d’un révélateur brutal des carences de la Vème République naissante.

Une justice à géométrie variable. Depuis plus de sept mois, l’ancien ministre et homme d’affaires, président du parti UDIS, vit en exil, accusé d’une infraction que même la supposée victime a niée devant le juge d’instruction. Pour ses avocats français, Maîtres Marc et Julien Bensimhon, la procédure est viciée de bout en bout. « Il n’existe ni plainte fondée, ni charge, ni victime. L’unique témoin des faits allégués, sa fille Élisabeth, les a tous réfutés. Et pourtant, le parquet a maintenu les poursuites », ont-il confié. 

Le jeudi 8 mai 2025, la Chambre d’accusation a rejeté la demande de non-lieu, non pas sur des preuves, mais sur l’unique motif de l’absence de l’inculpé à sa convocation. Un contresens juridique absolu, alors même que l’article 163 du Code de procédure pénale dispose clairement que « s’il n’existe aucune charge contre l’inculpé, il y a lieu à non-lieu ».

Quand la justice devient un instrument politique

La décision rendue, en dépit de l’absence totale de fondement légal, illustre ce que l’UDIS dénonce comme une instrumentalisation de la justice à des fins politiques. « Il faut croire que certains veulent faire d’Opiangah l’agneau sacrificiel de la 5ème République », déplore son porte-parole Edmond Epoma Ngadi. La formation politique accuse ouvertement certains magistrats « de souiller leur propre serment » et d’avoir « perverti la loi pour satisfaire des objectifs inavoués ».

Pour les avocats d’Opiangah, le dossier est vide : pas de plainte initiale valide, pas de victime, pas de charge, des déclarations contradictoires du parquet, et une instruction qui piétine les règles élémentaires du droit. « C’est une forfaiture judiciaire », tranche Me Marc Bensimhon, qui a saisi la Commission africaine des droits de l’Homme pour faire constater ces abus.

Une contradiction frontale avec les engagements présidentiels

Dans son serment, le président Oligui Nguema s’était engagé à « défendre l’État de droit » et « à être juste envers tous ». Face à l’inaction présidentielle et au silence du Conseil supérieur de la magistrature qu’il préside, l’UDIS pose la question : à quoi sert un serment si l’impunité règne ? « Le droit est piétiné, la République trahie, et le peuple berné », dénonce encore Edmond Epoma Ngadi.

En refusant de faire respecter la loi, et en laissant prospérer une procédure que d’aucuns qualifient de « mascarade judiciaire », l’État ne fait pas que faillir à ses engagements : il envoie un signal dramatique à la communauté internationale et à ses propres citoyens. Car c’est la démocratie elle-même qui vacille, et avec elle, toute la crédibilité du régime. 

L’affaire Hervé Patrick Opiangah n’est plus seulement une affaire d’homme. Elle est devenue l’affaire d’un pays tout entier, dont les tenants du pouvoir prône une Vème République des valeurs, face à son propre miroir juridique et moral.

Henriette Lembet

Journaliste Le temps est une donnée fatale à laquelle rien ne résiste...

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