Gabon : Industrie, tourisme, agriculture, les trois piliers oubliés de la diversification
Alors que le discours politique célèbre la “diversification économique” comme une priorité nationale depuis plus de dix ans, les faits racontent une tout autre réalité. Selon le rapport 2025 de la Banque mondiale, les secteurs clés hors pétrole – industrie, agriculture, tourisme – restent sous-développés, mal soutenus et incapables de porter une croissance inclusive.
« La croissance hors pétrole reste faible, plafonnant à 0,9 % en 2024, en raison notamment de la faible performance des secteurs productifs », alerte la Banque mondiale. Une phrase lourde de sens, qui vient rappeler que, malgré les slogans, l’économie gabonaise reste piégée dans une dépendance structurelle aux hydrocarbures.
Une industrie sans politique industrielle
Le secteur industriel gabonais, en dehors du traitement primaire du manganèse et du bois, reste embryonnaire. L’absence d’une stratégie industrielle nationale claire – appuyée par des incitations fiscales durables, une énergie compétitive et des infrastructures logistiques modernes – empêche l’émergence d’un tissu manufacturier solide.
Résultat : le pays importe massivement ce qu’il pourrait produire, y compris des biens alimentaires de base et des matériaux de construction. « Il n’y a pas d’industrie sans vision ni volonté politique ferme », déplore un économiste local. « Les effets d’annonce sans suivi n’ont jamais bâti une économie. »
Le tourisme : un potentiel inexploité
Avec sa biodiversité exceptionnelle, ses parcs nationaux, ses plages et ses cultures variées, le Gabon a tous les atouts pour développer un tourisme durable et haut de gamme. Pourtant, le secteur représente à peine 2 % du PIB, faute d’investissements, de promotion internationale, et d’infrastructures adaptées.
Les obstacles sont connus : manque d’hôtels de qualité en dehors de Libreville, liaisons aériennes peu accessibles, absence d’une stratégie marketing cohérente, lenteurs administratives pour les visas, et climat d’affaires décourageant. Une inertie qui tue dans l’œuf un levier majeur de diversification et d’emplois pour les jeunes.
Une agriculture de subsistance, non compétitive
Quant à l’agriculture, elle reste dominée par des pratiques familiales non mécanisées, peu soutenues par l’État, et décrochée des circuits de transformation. Moins de 5 % du budget national y sont consacrés chaque année, et les filières porteuses (manioc, banane, cacao, palmier, élevage) ne bénéficient ni d’encadrement technique suffisant, ni d’accès facile au crédit.
« Le Gabon ne produit même pas la moitié de ce qu’il consomme localement en produits agricoles de base », rappelle la Banque mondiale. Une dépendance alimentaire qui coûte cher au pays (plus de 250 milliards de FCFA d’importations alimentaires par an) et qui fragilise sa souveraineté économique.
Diversification : entre slogans et abandon
Le constat est clair : la diversification est restée un slogan politique, sans plan d’action cohérent, sans pilotage institutionnel fort, et sans synergie entre les acteurs publics et privés. Ni l’industrie, ni le tourisme, ni l’agriculture n’ont aujourd’hui la place stratégique qu’ils devraient occuper dans l’économie nationale.
La Banque mondiale appelle à « repositionner les secteurs non extractifs au cœur de la stratégie de développement » en leur consacrant des ressources, des réformes et une gouvernance dédiée. Car diversifier, ce n’est pas seulement déclarer l’intention : c’est bâtir, accompagner, financer, structurer.










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