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Gabon : Inclusion et entrepreneuriat, une convention de plus, mais les PME suffoquent

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Alors que le ministère de l’Entrepreneuriat multiplie les signatures d’accords pour favoriser l’inclusion et l’autonomisation, la réalité économique continue de fragiliser les petites entreprises du pays. La convention signée ce 14 novembre 2025 avec l’association Trisomie 21, si porteuse d’espoir humainement et socialement, pose une question brutale : à quoi servent les engagements publics si le problème majeur, le recouvrement, demeure irrésolu ?

Le ministère de l’Entrepreneuriat, du Commerce et des PME-PMI et l’association Trisomie 21 ont signé une convention destinée à ouvrir les portes de l’entrepreneuriat aux personnes vivant avec la trisomie 21. Un acte symboliquement puissant, présidé par la ministre Gninga Chaning Zenaba, et inscrit dans la vision d’un « Gabon plus juste, plus solidaire et résolument inclusif », chère au président Brice Clotaire Oligui Nguema.

Cette initiative vise à offrir à ces citoyens, trop souvent marginalisés, un accès à des dispositifs entrepreneuriaux adaptés : ateliers spécialisés, micro-projets, accompagnement dédié. En somme, leur permettre de gagner en autonomie économique et en estime sociale… mais une réalité économique qui rattrape tout le monde

Cependant, cette signature, comme tant d’autres ces derniers mois, intervient dans un paysage économique où les Très Petites Entreprises (TPE), les Petites et Moyennes Entreprises (PME) et les Petites et Moyennes Industries (PMI) se battent littéralement pour survivre.

Factures impayées, délais interminables de règlement, contrats exécutés mais jamais soldés : le problème n’est plus l’accès aux marchés, ni l’accompagnement institutionnel, mais le recouvrement, l’alpha et l’oméga du tissu économique. À mesure que les conventions se succèdent, une évidence se fait jour : l’État signe, s’engage, promet… mais ne règle pas assez vite ceux qui produisent, innovent et créent les emplois. Et c’est là tout le paradoxe.

Un tissu économique à bout de souffle

La convention avec Trisomie 21 revêt une incontestable portée humaine. Mais elle met également en lumière une contradiction majeure : comment parler d’autonomisation économique quand les entreprises censées accompagner, former, employer ou sous-traiter sont elles-mêmes étranglées par l’absence de liquidités ? Des PME peinent à payer leurs salariés. Des TPE mènent leurs activités en s’endettant auprès des banques ou des fournisseurs. Des micro-entrepreneurs ferment boutique faute de trésorerie. Des entreprises naissantes meurent avant même d’avoir pu participer aux initiatives inclusives que l’État met en avant.

Le résultat : un tissu économique fragilisé, une chaîne de valeur brisée, et une inclusion économique qui se heurte à un mur de réalité. Inclusion, oui. Mais sans une réforme du recouvrement, tout le monde reste vulnérable. L’acte signé avec l’association Trisomie 21 est noble. Il traduit une volonté claire : élargir le champ de l’entrepreneuriat à ceux que la société relègue trop vite en marge.

Mais l’économie n’obéit pas aux déclarations. Elle dépend de flux, de paiements, d’engagements honorés. Tant que le problème du recouvrement n’aura pas été résolu, tant que les dettes publiques ne seront pas apurées, tant que les PME/PMI/TPE ne seront pas payées dans des délais raisonnables, toute politique inclusive — si sincère soit-elle — se heurtera à une incapacité structurelle des acteurs économiques à la mettre en œuvre.

Un signal politique fort, mais une urgence économique plus forte encore

La convention avec Trisomie 21 ouvre des perspectives louables : ateliers professionnalisants, micro-entreprises encadrées, valorisation des talents invisibles, changement de regard sur le handicap.

Mais pour que ces perspectives deviennent réalité, il faut que ceux qui devront accompagner ces jeunes et adultes — entreprises, formateurs, partenaires privés — puissent tenir debout. L’inclusion ne peut fleurir sur un terrain économique asséché.

Le gouvernement prend des engagements sociaux forts. Il lui reste désormais à sauver ce qui permet de les concrétiser : la santé financière du tissu entrepreneurial gabonais.

Henriette Lembet

Journaliste Le temps est une donnée fatale à laquelle rien ne résiste...

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