Gabon : face à une inflation persistante, l’État peine à protéger le pouvoir d’achat

Depuis bientôt trois ans, les ménages gabonais subissent de plein fouet la montée continue des prix. Alimentation, carburant, logement, médicaments : rien n’échappe à cette spirale qui érode chaque jour un peu plus le pouvoir d’achat. Alors que le gouvernement se réfugie derrière les turbulences internationales, la réalité sur le terrain pointe plutôt vers un déséquilibre structurel de l’économie nationale.
La dernière note d’analyse de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) publiée en mai 2025 confirme que les causes de l’inflation en Afrique centrale ne sont pas exclusivement exogènes. La faible production locale, la dépendance excessive aux importations et un marché dominé par quelques groupes puissants seraient tout aussi responsables.
Une économie fragile, des prix incontrôlés
Au Gabon, le déséquilibre est particulièrement frappant. L’agriculture reste marginalisée, l’agro-industrie balbutiante, et les circuits de distribution entre les mains de quelques opérateurs qui imposent leurs conditions tarifaires, souvent sans encadrement. Résultat : les prix flambent, sans que l’État n’intervienne véritablement pour les contenir.
Les réponses des autorités se limitent à quelques mesures ponctuelles : suspension temporaire de taxes, mercuriale peu suivie, promesse d’une centrale d’achat encore en gestation. Des décisions jugées largement insuffisantes au regard de l’ampleur du phénomène.
Un tabou sur le contrôle des prix, une régulation à bout de souffle
Plus inquiétant encore : le refus persistant d’ouvrir le débat sur le contrôle des prix ou la régulation rigoureuse des marges. Dans une économie où les coûts de transport, de stockage et de distribution sont rarement justifiés, l’État continue de tolérer des pratiques qui aggravent la précarité des plus modestes.
« Il y a une peur politique d’intervenir sur le marché, comme si laisser faire était synonyme de libéralisme éclairé », glisse un économiste indépendant. En réalité, cette passivité entretient un climat d’impunité tarifaire, au détriment des familles, notamment rurales ou urbaines populaires.
Produire localement, encadrer les importations, structurer les marchés
Pour enrayer durablement cette spirale inflationniste, plusieurs leviers s’imposent. D’abord, relancer une véritable politique de production locale, notamment dans l’agriculture vivrière. Ensuite, encadrer les importations avec des politiques cohérentes de taxation ou de quotas, favorables aux produits essentiels. Enfin, ouvrir les circuits de distribution à la concurrence, tout en imposant des règles de transparence sur les marges commerciales.
Ces solutions nécessitent toutefois un volontarisme politique que le gouvernement peine à démontrer. Car sans changement de cap, le pays court le risque d’ancrer l’inflation dans la durée, avec en toile de fond une érosion silencieuse mais certaine des classes moyennes, pourtant essentielles à toute relance. Faute de réponse structurelle, le fossé se creuse entre les discours officiels et la vie réelle des Gabonais. Et l’inflation, elle, continue de faire son chemin.
GMT TV