Gabon: accusé du meurtre de sa mère, il est déclaré non coupable après 9 ans de détention
C’est une énième affaire à rebondissement durant cette session criminelle reprise le 15 mars dernier au Tribunal de première instance de Libreville En effet, Alain Roger Makaya, un compatriote à la quarantaine révolue a été acquitté le mercredi 7 avril dernier, après 9 ans de détention préventive pour le meurtre présumé de sa génitrice Jeannette Kougou Mbadinga. Près d’une dizaine d’années passées derrière les barreaux pour un acte non commis.
Une détention injustifiée
Selon notre confrère L’Union, les faits se sont produits le 18 mars 2012 en matinée au quartier dit PK12-Bizango. Ce jour-là, Alain Roger Makaya se balade autour de leur maisonnée quand il tombe nez à nez avec le corps de sa maman, Jeannette Kougou Mbadinga. Inerte et recouverte de fourmis, la regrettée a le corps lardé de coups de couteau. Dans la foulée, il alerte ses deux frères et le voisinage en larmes. Tout logiquement, les autorités judiciaires seront saisies et une enquête sera diligentée par les policiers.
Étrangement, les Officiers de police judiciaire (OPJ) sont persuadés que le coupable pourrait être Alain Roger Makaya Makaya. Et ce, au motif qu’il s’était disputé la veille avec sa maman. Il n’en faudra pas plus pour qu’il soit gardé à vue puis déféré devant le parquet de la République où il sera finalement placé sous mandat pour parricide. Depuis, le mis en cause aura clairement indiqué n’avoir aucun lien avec la disparition brutale de sa mère. D’ailleurs, 9 ans après son incarcération à la prison centrale de Gros-Bouquet, il va réitérer sa version des faits à la barre.
« Je ne suis pas le coupable de cette affaire madame la présidente. Je n’ai jamais tué ma mère », a-t-il indiqué avec fermeté et assurance. Preuve qu’il n’avait rien à se reprocher malgré le nombre d’années écoulées. Pour sa part, le ministère public représenté par Chérubin Kouendi, s’est évertué à conforter ses accusations. Et ce, sans preuve tangible. « D’abord, l’enquête indique bel et bien que la défunte a été tuée dans sa chambre et déposée derrière la maison. Puis, des traces de sang ont été relevées sur le suspect, par les enquêteurs, mais ce dernier a tout de suite confié qu’il s’agissait là du sang des moustiques », a-t-il soutenu.
Alain Roger Makaya est-il victime du zèle de la police et du procureur ?
Acquis à la conviction que Roger Makaya est coupable, le ministère public s’est débattu comme un diable en vain. « Madame la présidente, le voisinage et ses frères dans la maison ont avoué que ce dernier n’hésitait pas à menacer de mort leur mère devant le monde. Leurs rapports étaient très tendus », a-t-il déclaré.
Avant de poursuivre en alourdissant les charges. « D’ailleurs, la petite amie de Makaya Makaya a témoigné que ce soir, l’accusé ne cessait de faire des va-et-vient entre la maison et l’extérieur, sans trop savoir ce qu’il cherchait. Tous ces éléments sont des preuves que le criminel est bel et bien celui qui se trouve à la barre ce jour », a conclu Chérubin Kouendi.
Finalement, il demande à la Cour de condamner l’accusé à 10 ans de prison. Pour la défense assurée par Me Irène Essono Nze, il ne s’agit que de vaines accusations dépourvues de pertinence tant en 9 ans, aucun élément matériel concret n’a été fourni. « Mon client est innocent dans cette affaire. Il a passé 9 ans derrière les barreaux et il n’y a aucune preuve. Un parricide est un meurtre, il faut donc qu’on ait les éléments constitutifs du meurtre. Où sont les preuves, où est l’arme du crime. Il n’y a pas d’autopsie non plus. Comment savoir alors de quoi est-elle morte ou quand est-elle morte ? Il y a trop d’incohérences dans le dossier », a-t-elle déploré.
Un verdict lucide mais lourd de conséquences
Au terme des débats, la Cour présidée par Nancy Engandzas Iwenga, va donner raison à la défense en affirmant que le flou dans cette affaire ne saurait responsabiliser un individu. Ainsi, Alain Roger Makaya a été jugé non coupable du meurtre de sa maman Jeannette Kougou Mbadinga. Une victoire pour ce compatriote qui aura été victime de la lanterne administrative de nos juridictions et du manque de diligence dans les affaires.
Une décision qui ouvre d’emblée la voie à une requête de la partie lésée qui, on le rappelle, a dû vivre pendant 9 années auprès des vrais criminels faute de « sérieux » de notre justice. Doit-on rappeler que sa détention provisoire à insidieusement entraîné la dislocation des liens sociaux et familiaux ? Qu’à ce titre, Alain Roger Makaya peut réclamer une indemnisation à la hauteur du préjudice subi. Et ce conformément aux articles 146 et suivants du Code de procédure pénale qui prévoit 6 mois à compter de la date d’acquittement. Notons que cette disposition consacre la déconstruction des décisions de justice.