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Gabon : 1,3 % de progrès…mais toujours absent du Top 20 africain de l’État de droit

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Le nouveau classement 2025 du World Justice Project confirme un paradoxe embarrassant : malgré un léger rebond (+1,3 %), le Gabon plafonne à la 27e place sur 38 pays africains. Loin, très loin, du Top 20 où s’affirment Sénégal, Botswana ou Ghana. Une amélioration qui sonne davantage comme un rappel à l’ordre que comme une victoire.

L’indice 2025 de l’État de droit avait de quoi susciter un mince sourire à Libreville : le Gabon fait partie des huit pays africains ayant amélioré leur score cette année. +1,3 %, dans un continent où 28 pays régressent, cela pourrait presque passer pour une performance.

Mais la joie s’arrête là. Car la photo globale est autrement plus sombre : le Gabon stagne dans les bas-fonds du classement, 27e sur 38, loin derrière les locomotives africaines et même derrière des pays en crise chronique. Une réalité brutale : l’amélioration ne suffit pas quand tout le monde court plus vite que vous. Et dans la course à l’État de droit, le Gabon semble courir… avec un poids aux chevilles.

Les bons élèves africains s’envolent, Libreville reste au sol

Si Kigali triomphe en tête du continent (0,63), suivi de la Namibie, Maurice, le Botswana ou encore le Sénégal, le Gabon se débat encore dans les zones d’ombre institutionnelles. Au classement, même des États réputés instables – Sierra Leone, Liberia, Côte d’Ivoire – parviennent à intégrer le Top 20, laissant le Gabon sur le quai, spectateur d’un train qu’il ne prend jamais.

Le contraste est d’autant plus saisissant que certains gouvernements, pourtant en transition ou secoués par des crises politiques, ont réussi à refaire surface dans le classement. Le Gabon, lui, n’y parvient toujours pas. Ce retard chronique ne relève plus de la malchance : il relève d’un système institutionnel qui ne parvient pas à se réformer en profondeur, malgré les discours, les serments et les promesses des autorités.  Corruption, lenteur judiciaire, opacité : les vieux démons persistent

Le WJP ne laisse aucune ambiguïté : le Gabon souffre encore des mêmes maux que ceux dénoncés depuis deux décennies. Corruption persistante dans les chaînes administratives, justice civile lente, coûteuse et opaque, interférences politiques dans les processus judiciaires, droits fondamentaux fragilisés, réglementations appliquées de manière inégale.

L’amélioration statistique ne change rien à la réalité vécue par les citoyens : obtenir réparation, saisir la justice ou simplement accéder à un service administratif relève souvent du parcours du combattant. C’est là que le classement prend tout son sens : il ne mesure pas que les lois, il mesure le quotidien.

Une amélioration… sans transformation

Le WJP montre que le Gabon a progressé sur certains volets, mais les fondations restent fragiles. Les réformes institutionnelles engagées après le 30 août 2023 n’ont pas encore produit les effets annoncés.

Le pays est encore loin du standard qui permettrait de soutenir l’attractivité économique, rassurer les investisseurs et redonner confiance aux citoyens. Car dans ce classement, l’État de droit n’est pas une abstraction juridique : c’est le thermomètre de la gouvernance réelle. Et sur ce thermomètre, le Gabon reste en zone de fièvre.

Un signal politique fort : l’Afrique avance sans attendre

Le plus inquiétant dans ce classement n’est pas ce que gagne le Gabon, mais ce qu’il continue de perdre : du temps, de la crédibilité et de la confiance. Lorsque des pays comme le Sénégal (+1,6 %) ou la Sierra Leone (+1,4 %) démontrent qu’un progrès rapide est possible, le message est clair : le Gabon n’a plus d’excuses. Il lui faut désormais passer du discours à l’action, du traitement cosmétique des symptômes à la refonte réelle des institutions.

Car rester éternellement hors du Top 20, alors que le pays dispose de ressources, de stabilité relative et d’un environnement régional favorable, relève moins d’un manque de capacités que d’un manque de volonté politique.

Henriette Lembet

Journaliste Le temps est une donnée fatale à laquelle rien ne résiste...

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