Afrobarometer : 85 % des jeunes Gabonais confiants en une amélioration de leur situation d’ici 12 mois

Selon les derniers résultats de la Dépêche n°1079 d’Afrobarometer, 85 % des jeunes estiment que leur situation personnelle s’améliorera dans les 12 prochains mois. Un optimisme spectaculaire dans un pays encore traversé par des crises structurelles. Mais ce capital politique reste fragile : sans amélioration concrète de l’emploi et du quotidien, la confiance pourrait très vite s’éroder.

Depuis la Transition et l’effondrement du régime Bongo, la jeunesse gabonaise semble portée par un souffle nouveau. Afrobarometer révèle que 85 % des 18-35 ans déclarent être « optimistes » ou « très optimistes » quant à leur avenir immédiat. Un chiffre exceptionnel dans un pays où, depuis une décennie, les indicateurs sociaux, économiques et politiques alimentaient plutôt la résignation. Cette remontée spectaculaire traduit un repositionnement psychologique : la croyance qu’un changement réel est enfin possible. Mais cet espoir, aussi massif soit-il, repose sur une promesse implicite : l’amélioration rapide des conditions de vie.

Une confiance qui repose sur des attentes très élevées

Pour les jeunes interrogés, cette projection positive ne relève pas de l’utopie : elle est nourrie par une attente forte envers les autorités de Transition – emploi, pouvoir d’achat, éclairage public, sécurité énergétique et infrastructures de base. Autrement dit, cet optimisme n’est pas un blanc-seing. C’est un chèque moral signé par la jeunesse, mais encore sans provision politique.

Afrobarometer montre aussi que les jeunes restent sévères sur plusieurs politiques publiques, notamment la mauvaise qualité de l’électricité (26 % de satisfaction), l’accès à l’emploi très faible, le manque d’expérience comme premier frein professionnel et l’inadaptation formation/emploi. Ce décalage entre espoir et réalité crée une zone de turbulence potentielle.

Un optimisme sous tension : l’emploi comme juge de paix

Sur le terrain, la demande numéro un est claire : travailler.
Or, le marché du travail demeure extrêmement fermé, fortement politisé et peu diversifié. L’étude révèle que les jeunes désignent l’emploi comme leur première préoccupation nationale. Ils identifient le manque d’opportunités comme principal facteur d’exclusion économique. Une majorité juge que le système éducatif « ne prépare pas bien à l’emploi ». Ce paradoxe est explosif : comment concilier un optimisme massif avec un système productif qui n’offre pas encore les perspectives attendues ?

Pour les experts en gouvernance, ce type de situation crée une « bulle d’attentes », susceptible d’éclater si aucune transformation visible n’est observée dans les 12 à 18 mois.

Un capital politique précieux… mais périssable

L’optimisme des jeunes constitue un levier rare dans l’histoire politique récente du Gabon. Il crée une fenêtre d’opportunité pour réformer en profondeur le pays. Mais ce capital est périssable. Afrobarometer souligne déjà une baisse de confiance dans l’éducation, la persistance de frustrations sur l’énergie, et un scepticisme latent vis-à-vis des élites politiques.

Si la Vème République ne convertit pas rapidement cette dynamique en résultats tangibles (emplois, stages, formations qualifiantes, soutien à l’entrepreneuriat, fiabilité énergétique), l’enthousiasme pourrait se muer en déception, voire en colère sociale.

La jeunesse, moteur ou juge ?

Le message de l’enquête est limpide : l’espoir existe, la confiance est réelle, mais le temps politique est compté. Le Gabon dispose aujourd’hui d’une jeunesse prête à croire au changement, mais déterminée à en voir les preuves. Pour les autorités, l’enjeu n’est plus seulement de construire un récit, mais d’offrir des solutions concrètes et mesurables.

Si les 85 % d’optimistes trouvent demain un emploi, une formation utile, ou un revenu stable, le pays aura gagné plus qu’une génération : il aura posé les bases d’une stabilité démocratique durable. Dans le cas contraire, le gouvernement pourrait découvrir que rien n’est plus volatile qu’un espoir déçu.