Affaire Harold Leckat : Ali Akbar Onanga dénonce une qualification pénale juridiquement insoutenable

L’arrestation du directeur de publication de Gabon Media Time, Harold Leckat, le 15 octobre 2025 à l’aéroport Léon Mba, continue de susciter de vives réactions. Dans une tribune publiée ce 20 octobre, le juriste et enseignant à l’Université Omar Bongo, Dr Ali Akbar Onanga Y’Obegue, par ailleurs Secrétaire général du Parti démocratique gabonais (PDG), s’interroge sur la pertinence de la procédure engagée contre le journaliste. « Cette affaire révèle des dysfonctionnements procéduraux si graves qu’ils interrogent la nature même de la transition que traverse notre pays », écrit-il. Selon lui, au-delà du cas individuel d’Harold Leckat, c’est la solidité de l’État de droit qui se trouve questionnée par une telle interprétation du droit pénal.
Pour le docteur en droit, les faits reprochés ne relèvent nullement du « détournement de deniers publics », mais d’une relation contractuelle ordinaire entre une société privée et un établissement public. « Nous sommes face à un contrat commercial de prestation de services conclu entre Gabon Media Time et la Caisse des Dépôts et Consignations », précise-t-il, rappelant que ce contrat, signé en 2020, a été « régulièrement renouvelé jusqu’en 2023 » et maintenu pendant plusieurs mois par les nouvelles autorités de la CDC. Dès lors, « qualifier ces faits de détournement de deniers publics relève soit d’une méconnaissance du droit, soit d’une instrumentalisation délibérée de la procédure pénale », estime-t-il avec fermeté.
« Une erreur manifeste de droit »
Dans son analyse, le juriste rappelle que le détournement de deniers publics suppose que l’auteur ait la qualité d’agent public, ordonnateur, comptable ou toute personne ayant la charge de gérer des fonds publics. « Cette infraction vise à sanctionner la violation du devoir de probité qui incombe aux dépositaires de l’autorité publique dans la gestion des deniers de l’État », souligne-t-il. Or, Harold Leckat, en tant que dirigeant d’une société privée, « ne saurait être qualifié d’agent public au sens du droit pénal ». Il ne manipule pas de fonds publics en tant que représentant de l’État, mais perçoit des sommes « en exécution d’un contrat commercial librement consenti ».
Pour Ali Akbar Onanga, la distinction entre gestion publique et exécution contractuelle privée est essentielle. La jurisprudence, rappelle-t-il, exige « un élément moral spécifique » pour caractériser le détournement de fonds : la conscience, pour un agent public, de porter atteinte au patrimoine de l’État. « Un contractant privé qui perçoit des sommes en vertu d’un contrat ne peut, par définition, être animé de cette intention frauduleuse », tranche le juriste, estimant que poursuivre Harold Leckat sur cette base reviendrait à dénaturer le droit pénal lui-même. Ainsi, selon le Dr Onanga Y’Obegue, l’affaire Leckat ne met pas seulement en lumière un débat juridique, mais soulève une question institutionnelle plus large; celle de la rigueur et de l’indépendance de la justice dans une période de transition. Il invite à « la vigilance et au respect scrupuleux des principes fondamentaux du droit », sans lesquels, dit-il, « la transition politique risque de reproduire les mêmes dérives que celles qu’elle prétend corriger ».
GMT TV