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Vaudeville électoral du 9 octobre : quand le pouvoir piétine son propre Code électoral

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Le 9 octobre 2025 restera dans les annales comme le jour où le pouvoir en place a choisi de bafouer, en pleine lumière, les lois qu’il a lui-même promulguées. En ordonnant le retrait illégal de candidats de l’UDB au profit de figures du PDG, Brice Clotaire Oligui Nguema et son entourage ont violé frontalement les articles 80 et 214 du Code électoral, transformant le second tour des législatives en une farce institutionnelle. Un acte illégal, inutile et humiliant pour la République — qui révèle moins une stratégie qu’un mépris total de la légalité et du peuple. Lecture.

Le 9 octobre 2025 restera comme une date honteuse dans l’histoire politique de notre pays. Ce jour-là, les Gabonais ont découvert, abasourdis, que le pouvoir en place, déjà accusé de fraudes massives lors du premier tour des législatives, venait d’ajouter une nouvelle pièce à son théâtre d’ombres : l’improvisation d’un « désistement » politique illégal, grossièrement habillé en stratégie électorale.

À Mayumba, la candidate de l’UDB, Tatiana Bouyou, arrivée pourtant en tête au premier tour a été sommée de se retirer au profit d’Angélique Ngoma, candidate du PDG. À Koulamoutou, même scénario : Jean Hilarion Landa de l’UDB a été sacrifié pour assurer un boulevard à Blaise Louembé du PDG. Tout cela, bien entendu, sur « instruction » du président fondateur de l’UDB lui-même.

La double violation : incompétence ou cynisme assumé ?

Par cette instruction ubuesque, le pouvoir actuel a voulu violer frontalement l’article 80 du Code électoral qu’il a lui-même adopté. Et pas n’importe quelle violation : une transgression si flagrante, si évidente, qu’elle ne peut s’expliquer que par deux hypothèses également embarrassantes : soit l’ignorance pure et simple du texte, soit un mépris assumé de la légalité.

Que dit cet article 80 avec une clarté qui ne souffre d’aucune interprétation ?

« Dans le cas de l’élection des députés, des sénateurs ou des Conseils locaux, aucun candidat n’est admis à se retirer après le dépôt de la déclaration de candidature. »

Or, que s’est-il passé le 9 octobre 2025 ? Le pouvoir en place a orchestré des désistements de candidats UDB au profit de candidats PDG. C’est-à-dire exactement ce que l’article 80 interdit de manière absolue et sans équivoque.

La question se pose alors avec une acuité vertigineuse : comment un pouvoir a-t-il voulu violer aussi ouvertement un article aussi clair d’un code qu’il a lui-même adopté ?

Première hypothèse : l’ignorance. Personne, au sein de l’état-major du pouvoir, n’a pris la peine de lire l’article 80 avant d’orchestrer ces désistements. Cela supposerait une légèreté, une improvisation, une désinvolture dans la gestion des affaires électorales qui confine à l’incompétence caractérisée.

Seconde hypothèse : l’arrogance. Le pouvoir connaît parfaitement l’article 80, mais s’estime au-dessus des lois. Cette hypothèse révèle un mépris encore plus profond pour l’État de droit et pour les citoyens.

Dans les deux cas, le constat est accablant. Le message envoyé aux électeurs est limpide : peu importe le vote des citoyens, peu importe ce que dit la loi, c’est le pouvoir en place qui décide.

Mais le ridicule ne s’arrête pas là. Car même si, par impossible, les désistements avaient été acceptés, l’élection aurait tout de même eu lieu. Pourquoi ? Parce que l’article 214, alinéa 3 du Code électoral prévoit que :

« En cas de désistement, d’empêchement définitif ou de décès de l’un des deux candidats arrivés en tête au premier tour, les autres candidats se présentent dans l’ordre de leur classement. »

Concrètement cela signifie que :

Si à Mayumba, Tatiana Bouyou s’était retirée, Angélique Ngoma n’aurait pas été élue automatiquement. Elle aurait dû affronter au second tour le candidat arrivé en 3ème position au premier tour ! Il en aurait été de même à Koulamoutou où, si Jean Hilarion Landa s’était désisté, Blaise Louembé aurait dû affronter le candidat classé 3ème au premier tour !

La manœuvre du 9 octobre n’était donc pas seulement illégale (violation de l’article 80), elle était également parfaitement inutile (application de l’article 214 alinéa 3). Car, même en admettant l’inadmissible – que les désistements soient acceptés malgré leur interdiction formelle –, le second tour aurait bel et bien eu lieu !

Cette double bévue révèle une incompétence qui dépasse l’entendement. Comment peut-on orchestrer une manipulation électorale d’une telle envergure sans avoir pris la peine de lire les articles fondamentaux du Code électoral ?

Deux articles seulement qu’il fallait connaître pour éviter ce fiasco. Deux articles que n’importe quel étudiant en droit de première année maîtrise après une simple lecture.

L’incohérence des instructions du 9 octobre par rapport aux déclarations du 17 Septembre du président fondateur de l’UDB

Pour bien saisir l’ampleur du scandale du 9 octobre, il faut rappeler ce qui s’était passé moins d’un mois auparavant, le 17 septembre 2025, jour même de l’ouverture de la campagne électorale.

Avant cette date, une véritable dispute de chiffonniers avait éclaté entre les responsables de l’UDB et les usurpateurs du PDG sur la paternité politique du président Oligui Nguema. Face à cette dispute, Oligui Nguema était intervenu de manière apparemment tranchante. Tour à tour, il avait tenu ces propos on ne peut plus clairs :

« Un père ne sacrifie pas ses enfants au détriment de l’enfant de l’autre »

« Je n’ai qu’un seul enfant : l’Union Démocratique des Bâtisseurs »

Puis, pour enfoncer définitivement le clou :

« Je n’ai pas deux partis politiques. Oligui Nguema n’a pas deux partis. Ceux qui voulaient m’accompagner n’avaient qu’à adhérer à l’UDB. »

Ces déclarations avaient résonné comme un désaveu cinglant pour les usurpateurs du PDG. Dans la foulée de ces déclarations, Oligui Nguema avait d’ailleurs réduit la voilure de son financement au PDG instrumentalisé, mettant ce dernier en difficulté au cours de la campagne électorale.

On avait pu croire, l’espace d’un instant, que le président fondateur de l’UDB avait enfin pris la mesure de la situation politique du pays, où près de 99% de la population et de son propre électorat était ouvertement hostile à son alliance contre-nature avec le PDG.

Le 9 Octobre : la volte-face qui révèle le cynisme absolu du président fondateur de l’UDB

Que nenni ! Le président fondateur de l’UDB n’a aucune parole. Voilà qu’après toutes ces déclarations solennelles du 17 septembre, il crée un vaudeville grotesque en voulant à tout prix sauver les « soldats Rayan » du PDG, contredisant ainsi frontalement ses propres propos d’à peine trois semaines auparavant.

Le 9 octobre, il ordonne personnellement les désistements de candidats de son propre parti, au profit des candidats du PDG en difficulté. Ceux-là mêmes qu’il avait publiquement désavoués le 17 septembre. Ceux-là mêmes dont il avait nié être le « père » politique. Ceux-là mêmes à qui il avait coupé les vivres financiers.

Cette volte-face spectaculaire démontre un triple mépris accablant :

1. Le mépris des responsables de l’UDB

Cette attitude plus que désinvolte de la part du président fondateur de l’UDB prouve qu’il n’a aucune considération pour les responsables de son propre parti. Ces derniers lui demandent pourtant avec insistance de mettre fin à cette alliance toxique avec le PDG qui compromet sérieusement leur dynamique de développement dans le pays.

Et pour cause : l’UDB est né et se construit sur « les ruines du PDG ». L’essentiel de ses membres sont d’anciens membres du PDG qui ont fait le choix de la cohérence en rejoignant le nouveau parti du président de la transition. En s’obstinant à maintenir cette alliance contre-nature, Oligui Nguéma sape les fondements mêmes de son propre parti et sabote ses propres militants.

2. Le mépris des usurpateurs du PDG

Paradoxalement, cette attitude démontre également – et c’est presque devenu banal – qu’Oligui Nguéma n’a aucune considération réelle pour ces usurpateurs du PDG qui sont pourtant à ses pieds. Le 17 septembre, il les désavoue publiquement, leur coupe les moyens financiers, les ridiculise devant l’opinion. Le 9 octobre, il leur offre un « sauvetage » aussi illégal qu’humiliant.

Les usurpateurs du PDG sont donc instrumentalisés de manière cynique : caressés dans le sens du poil quand le pouvoir a besoin d’eux, humiliés publiquement quand cela arrange la stratégie présidentielle, « sauvés » illégalement quand le calcul électoral l’exige.

3. Le mépris du peuple Gabonais

Mais le mépris le plus profond, le plus grave, le plus impardonnable, c’est celui qu’Oligui Nguéma manifeste envers le peuple gabonais tout entier.

Depuis le 30 août 2023, date du coup d’État, les Gabonais ont exprimé de manière constante, massive, sans équivoque, leur rejet de cette alliance contre-nature entre le pouvoir de transition et le PDG. Dans les quartiers, sur les marchés, sur les réseaux sociaux, dans les débats publics, le message est unanime : cette alliance est une trahison des promesses de la transition.

Oligui Nguema le sait. Il connaît parfaitement le sentiment de son peuple. D’ailleurs, le 17 septembre, il semblait enfin y répondre en désavouant publiquement le PDG. Mais trois semaines plus tard, il crache à la figure de ce même peuple en orchestrant ce vaudeville du 9 octobre.

Le message est clair : « Votre volonté ne compte pas. Votre vote ne compte pas. Vos aspirations démocratiques ne comptent pas. Seuls comptent mes calculs politiques et mes arrangements de palais. »

L’absence totale de parole du président fondateur de l’UDB

Ce qui ressort de cette séquence du 17 septembre au 9 octobre, c’est l’absence totale de parole présidentielle, de cohérence politique, de respect minimal des engagements publics. Comment peut-on tenir des propos aussi solennels le 17 septembre et les contredire frontalement trois semaines plus tard en sacrifiant les candidats de ce « propre enfant » pour sauver ceux de « l’enfant de l’autre » ?

Cette incohérence révèle un cynisme politique qui dépasse l’entendement. Elle prouve que pour Oligui Nguema, les mots n’ont aucune valeur, les déclarations publiques sont de simples instruments tactiques qu’on peut ajuster, contredire, oublier selon les besoins du moment.

Gouverner, pour lui, ce n’est pas tenir sa parole, respecter ses engagements, agir avec cohérence. C’est improviser au jour le jour, mentir quand c’est nécessaire, se contredire quand c’est utile, mépriser ses propres troupes quand le calcul l’exige.

La promesse trahie : du coup d’État à la farce électorale

Rappelons-nous que lors de son coup d’État du 30 août 2023, Oligui Nguéma avait juré de restaurer la démocratie, de rendre la parole au peuple, d’assainir le jeu politique. Il se présentait comme le sauveur venu rompre avec les pratiques de l’ancien régime.

Deux ans plus tard, il orchestre, en pleine lumière, la négation même du suffrage universel. Plutôt que de laisser les électeurs trancher, il distribue les sièges comme un chef d’orchestre cynique distribue les rôles dans une mauvaise comédie.

Plus grave encore esrt le fait que non seulement il s’appuie sur les figures les plus emblématiques du système déchu, mais il les réhabilite et les soutient activement. Blaise Louembé et Angélique Ngoma, ces piliers du PDG se retrouvent aujourd’hui choyés, protégés, portés par le pouvoir soi-disant révolutionnaire. La « rupture » promise s’avère n’être qu’une reconduction maquillée. La « nouvelle gouvernance » n’est que l’ancien système sous un nouvel emballage.

L’UDB : parti présidentiel ou agence de placement pour anciens du PDG ?

Cette mascarade transforme le scrutin législatif en une vaste comédie de répartition de prébendes entre anciennes et nouvelles élites. L’UDB n’est plus un parti politique, c’est devenu un réservoir de candidats sacrifiables au gré des arrangements présidentiels.

Heureusement, le peuple gabonais n’a pas été dupe. Dès l’annonce de ces désistements iniques, une vague d’indignation a déferlé sur le pays. Dans les quartiers, sur les marchés, sur les réseaux sociaux, les citoyens ont exprimé leur colère et leur refus de voir leur volonté confisquée par un pouvoir de plus en plus isolé.

Cette mobilisation citoyenne, large, spontanée et courageuse, mérite d’être saluée. Elle a obligé le régime à reculer, dévoilant encore davantage la fragilité d’un pouvoir qui se croyait maître du jeu. Ce recul, imposé par le peuple, est la preuve éclatante que, malgré la brutalité du coup d’État et les fraudes électorales, la conscience démocratique des Gabonais est vivante et déterminée.

À force de tripatouillages, d’arrangements honteux et de violations répétées de la loi, le pouvoir en place a transformé les législatives en une farce digne des plus mauvais vaudevilles. Ce n’est plus une compétition électorale : c’est une mise en scène grotesque où l’arbitre se prend pour le joueur, où les règles changent au gré des caprices du prince, et où le peuple est relégué au rôle de figurant.

L’Incompétence et le cynisme érigés en système de gouvernance

Le vaudeville du 9 octobre 2025 restera comme un symbole, celui d’un pouvoir qui se prétend réformateur mais qui recycle les vieilles pratiques, qui se dit démocratique mais qui bafoue le suffrage universel, qui adopte des lois mais qui les ignore, qui promet la rupture mais qui perpétue la continuité, qui tient des discours solennels mais qui les contredit trois semaines plus tard.

Le 9 octobre, en croyant renforcer ses protégés, Oligui Nguema a en réalité renforcé une conviction : ce régime n’a ni la compétence, ni la volonté, ni la crédibilité, ni la parole nécessaires pour conduire le Gabon vers la démocratie.

L’incompétence manifeste dont fait preuve ce régime en matière d’organisation électorale n’est pas une simple maladresse technique. Elle révèle un défaut structurel : l’absence de vision claire, l’improvisation permanente, le mépris des procédures, l’absence de parole présidentielle, et finalement, le peu de cas fait de la volonté populaire.

L’épisode de Mayumba et de Koulamoutou n’est pas une anecdote, il est le symbole d’un pouvoir aux abois, incapable de respecter ses propres lois, méprisant le suffrage universel, trahissant ses propres déclarations, instrumentalisant des partis politiques comme des marionnettes, et se contredisant au gré de calculs politiques à courte vue.

La mobilisation citoyenne du 9 octobre a prouvé qu’une autre voie est possible. Celle où le peuple, et non le palais, décide de son destin. Celle où les lois s’appliquent à tous, gouvernants compris. Celle où l’incompétence, le cynisme et le mépris ne sont plus tolérés comme modes de gouvernance. Celle où la parole présidentielle a encore un sens.

Car, au bout du compte, ce ne sont pas les manœuvres de palais qui font l’histoire, mais la volonté d’un peuple qui refuse d’être pris pour un spectateur passif dans le théâtre de sa propre destinée.

Ali Akbar ONANGA Y’OBEGUE

Docteur en Droit,

Enseignant à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de l’Université Omar Bongo de Libreville,

Secrétaire Général du Parti Démocratique Gabonais,

Ancien Ministre.

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