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Transports terrestres : arrestation, retrait du permis, la poudre de perlimpinpin d’Ulrich Manfoumbi ?

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Dans une sortie remarquée le 22 mai 2025, le ministre des Transports Ulrich Manfoumbi Manfoumbi a promis fermeté et tolérance zéro face aux comportements irresponsables sur les routes gabonaises. Mais derrière le ton martial, les promesses répressives peinent à masquer un vide criant : l’État est le premier responsable du chaos routier, et les moyens pour faire appliquer le Code de la route sont… inexistants.

À la suite d’un énième drame de la route au PK9, qui a coûté la vie à deux Gabonais, le ministre a voulu frapper fort : sanctions, contrôles renforcés, retrait de permis, immobilisation des véhicules. Des déclarations que l’on pourrait saluer… si seulement elles n’occultaient pas l’état catastrophique du réseau routier urbain, l’absence totale de signalisation, et l’incapacité des services publics à faire appliquer la loi.

Feux absents, lignes effacées, panneaux invisibles : rouler à l’aveugle dans la capitale

Avant d’agiter la menace de l’arrestation ou de la suspension du permis, il aurait peut-être fallu commencer par balayer devant sa propre porte. À Libreville, il est rare — pour ne pas dire impossible — de trouver un panneau « Stop » placé correctement. Les lignes continues sont quasi inexistantes, y compris sur des axes majeurs comme les échangeurs. Un des feux tricolores du PK8 est arraché depuis des mois, sans que personne ne s’en émeuve.

Dans plusieurs quartiers, aucun marquage au sol, aucun panneau de limitation de vitesse, aucun avertissement sur les dos-d’âne. La signalisation horizontale et verticale est un mirage réservé au front de mer. Dans les faits, c’est l’anarchie, et l’État est absent.

Des policiers sans radars, une sécurité routière désarmée

Et lorsqu’on se tourne vers la Direction générale de la sécurité routière, la réponse est glaçante : l’administration ne dispose que de trois radars pour l’ensemble du territoire national. Quant aux alcootests ? Inexistants. Comment alors verbaliser un excès de vitesse ou prouver un état d’ivresse ? Faute d’outils, les contrôles promis relèvent davantage de l’intimidation que de la régulation. Ce n’est plus de la prévention, c’est du théâtre politique.

« Le ministre parle de retirer les permis, mais sur quelles bases ? Avec quels moyens ? », s’interroge un syndicaliste des transports contacté par Gabon Media Time. « L’État veut faire peur, mais il n’est même pas capable de fournir un minimum d’infrastructure aux usagers. »

Une communication gouvernementale bruyante mais vaine

Le discours d’Ulrich Manfoumbi Manfoumbi, bien que musclé, s’apparente à de la poudre de perlimpinpin, pour reprendre une formule devenue tristement célèbre. Derrière l’emphase républicaine se cache une vérité dérangeante : l’État se montre répressif là où il est le plus défaillant. Il exige du citoyen un respect scrupuleux d’un Code de la route que lui-même ne permet pas d’appliquer.

Faut-il le rappeler ? La sécurité routière ne commence pas avec la matraque, mais avec des routes éclairées, des signalisations visibles, des agents équipés et des campagnes d’éducation efficaces. Sans cela, toute cette agitation ministérielle n’est qu’une diversion. Une posture. Une fuite en avant.

Des réformes creuses dans un vide structurel

En somme, au lieu de multiplier les annonces, le ministre des Transports ferait mieux d’engager une véritable réforme de fond : investir dans la signalisation, doter les forces de contrôle de matériel adéquat, former les agents de terrain, et surtout assumer les défaillances de l’État. Car l’incivisme ne justifie pas l’impuissance publique.

À ce rythme, les citoyens finiront par ne plus écouter les avertissements gouvernementaux, tant ils sont déconnectés du terrain. Et tant que la route elle-même restera un facteur de danger, les retraits de permis n’empêcheront pas le sang de couler.

Henriette Lembet

Journaliste Le temps est une donnée fatale à laquelle rien ne résiste...

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