A La UneDerniers articlesJUSTICE

Tourisme : comment plus de 10 milliards ont été siphonnés via les comptes BGFI et CDC sous Pascal Ogowet Siffon

Ecouter l'article

L’analyse croisée des relevés bancaires du ministère du Tourisme et de l’Artisanat, ouverts à la BGFIBank Gabon et à la Caisse des Dépôts et Consignations du Gabon (CDC), met au jour un système structuré de décaissements en espèces et par chèques, au profit d’un cercle familial et amical proche du ministre Pascal Ogowet Siffon. Au total, les flux cumulés documentés dépassent 10 milliards FCFA, sans traçabilité conforme aux règles de la comptabilité publique.

Un double circuit bancaire pour contourner les contrôles. Dès fin 2023, les relevés du compte administratif logé à BGFIBank révèlent une succession de retraits guichet et de chèques de montants élevés (50 à 400 millions FCFA), opérés à un rythme soutenu. Parallèlement, un compte spécial ouvert à la CDC (RIB n° 00500001848 – IBAN 42001007340050000184879) est activé comme second canal de décaissement.

Sur ce compte CDC, entre novembre 2023 et février 2024, les écritures montrent des retraits par chèques nominatifs, des versements et retraits d’espèces et des virements concentrés sur les mêmes bénéficiaires. Les libellés sont répétitifs (« RET. CHO », « VER. ESP. », « CHO. RECU »), sans référence à des marchés, prestations ou services exécutés. Cette duplication des canaux a mécaniquement réduit la capacité de contrôle ex ante et ex post.

Des bénéficiaires récurrents, toujours les mêmes noms

Les relevés CDC confirment la récurrence des mêmes personnes déjà identifiées côté BGFI. Parmi les billeteurs et bénéficiaires figurent notamment le directeur de cabinet Christian Johnson Ogoula, le conseiller financier Charles Joseph Igoho, ainsi que d’autres proches collaborateurs et membres de l’entourage. Les opérations portent leurs noms à de multiples reprises, sur des périodes rapprochées, parfois le même jour, pour des montants cumulés significatifs.

En 2025, la centralisation de fait de la gestion des décaissements par la belle-sœur du ministre, en qualité de secrétaire de cabinet, achève de dessiner une confusion d’intérêts manifeste, contraire aux principes de séparation des fonctions et de contrôle interne.

2024–2025 : la continuité d’un système hors normes

Loin d’être ponctuelles, les pratiques se prolongent en 2024 et 2025. Les relevés CDC de juin à août et de septembre à novembre 2025 font apparaître des séries de chèques encaissés et de retraits (de quelques centaines de milliers à plusieurs dizaines de millions FCFA), entrecoupées de frais techniques. Là encore, aucune justification n’apparaît quant à l’objet des paiements. Les flux cumulés CDC, ajoutés à ceux de BGFIBank, portent le total documenté au-delà de 10 milliards FCFA sur la période observée.

Des manquements caractérisés à la dépense publique

Au regard des règles applicables (ordonnancement préalable, justification du service fait, contrôle du comptable), ces opérations constituent des indices concordants de détournement : usage massif d’espèces, chèques nominatifs répétés au profit d’un cercle restreint, absence de pièces probantes, et montage à double guichet.

Au-delà des responsabilités individuelles, ces faits interrogent la chaîne de contrôle, la diligence des banques teneuses de comptes, et l’effectivité des audits. Les documents bancaires établissent une réalité chiffrée et structurée : un système, des bénéficiaires récurrents, et un préjudice majeur pour l’État gabonais et pour les politiques publiques du tourisme et de l’artisanat.

Morel Mondjo Mouega

Titulaire d'une Licence en droit, l'écriture et la lecture sont une passion que je mets au quotidien au profit des rédactions de Gabon Media Time depuis son lancement le 4 juillet 2016 et de GMTme depuis septembre 2019. Rédacteur en chef

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

GMT TV

[youtube-feed feed=2]
Bouton retour en haut de la page