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Suspension au RPM : quand l’opportunisme politique prend le pas sur les convictions  

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C’est une sanction aussi brutale que révélatrice, tombée comme un couperet sur la scène politique nationale. Le Rassemblement pour la Patrie et la Modernité (RPM) d’Alexandre Barro Chambrier, a suspendu l’un de ses cadres, Joyce Laffite Ntseghe, pour avoir exprimé publiquement des critiques à l’encontre de l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB), un parti allié. Ce communiqué disciplinaire, signé le 5 août 2025 par le président intérimaire Jean-Robert Goulongana, vise celui qui occupe les fonctions de Secrétaire exécutif adjoint, chargé de la Communication et des Relations extérieures, et qui est le visage du parti dans le 5e arrondissement de Libreville lors des prochaines élections. Le motif ? Un simple message publié sur Facebook, dans lequel Joyce Laffite Ntseghe dénonçait la reconversion politique express d’anciens dignitaires du PDG au sein de l’UDB.

« À la guerre comme à la guerre ! Si les candidats de l’UDB sont des anciens pdgistes réformés, nous allons leur rappeler pourquoi nous nous sommes battus dans l’opposition toutes ces années sans peur et avec convictions. Nous n’allons pas reconstruire le Gabon avec ceux qui l’ont détruit », écrivait-il. Il s’interrogeait aussi : « Hier anciens candidats d’Ali Bongo Ondimba et aujourd’hui candidats de Brice Clotaire Oligui Nguema… où est l’arnaque ? ». Ce propos, tenu sur un ton direct mais fidèle à la ligne idéologique que le RPM revendiquait jusqu’alors, à savoir combattre ceux qui ont plongé le pays dans le marasme économique, a pourtant suffi pour que le parti décide de l’écarter sans délai. Une réaction perçue comme disproportionnée et motivée non par la défense de la cohésion partisane, mais par le désir d’éviter de froisser de nouveaux partenaires politiques.

Cracher sur les acquis d’Alternance 2023

La position de Joyce Laffite Ntseghe, loin d’être une sortie solitaire, illustre au contraire un attachement profond aux idéaux qui avaient façonné la posture d’Alternance 2023. Le combat contre le système PDG et ses figures de proue, responsables du délitement institutionnel du pays, était au cœur de cette dynamique politique incarnée par Barro Chambrier et d’autres, aujourd’hui arrivés aux affaires. Comment comprendre, alors, que ce même parti, autrefois bastion de l’opposition, choisisse aujourd’hui de taire toute critique contre des individus jadis décriés, au nom d’une alliance électorale de circonstance ? Le RPM semble désormais prêt à sacrifier ses principes sur l’autel du calcul politicien. Ce revirement s’apparente à un reniement de l’engagement qui avait suscité l’espoir parmi les électeurs déçus par les vieilles pratiques politiques.

En se désolidarisant publiquement de Joyce Laffite Ntseghe, le RPM affiche une dérive inquiétante. Il ne s’agit plus seulement de défendre une ligne stratégique, mais de faire taire toute voix dissonante, même quand celle-ci incarne les valeurs fondatrices du mouvement. Une telle attitude laisse penser que la discipline partisane est désormais synonyme d’alignement aveugle, de soumission tactique, voire de trahison morale. Cette mise au pas entame gravement la crédibilité du parti, et ouvre une brèche sur son manque de cohérence idéologique.

Plus grave encore, cette affaire révèle une crise morale profonde au sein du Rassemblement pour la patrie et la modernité. Un parti politique censé incarner l’alternance ne peut durablement se construire en sacrifiant ses plus fervents défenseurs au nom de l’opportunisme. La sanction infligée à Joyce Laffite Ntseghe, loin de renforcer le parti, en souligne la faiblesse : celle d’un mouvement qui peine à concilier stratégie électorale et fidélité à ses convictions. Dans ce contexte, la vague de soutien exprimée par des acteurs politiques de tous bords en faveur de Joyce Laffite Ntseghe est à la fois un signal d’alarme et un acte de résistance : celle d’une démocratie encore fragile, où le courage politique mérite mieux que l’exclusion.

Karl Makemba

Engagé et passionné, Karl Makemba met son expertise et sa plume au service d’une information rigoureuse et indépendante. Fidèle à la mission de Gabon Media Time, il contribue à éclairer l’actualité gabonaise avec une analyse approfondie et un regard critique. "La liberté d'expression est la pierre angulaire de toute société libre." – Kofi Annan

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