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Sende Etali : «la Contribution Carbone n’est ni une taxe, ni une redevance»

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Instituée par décret numéro 0054/PR/MECCHF du 16 janvier 2025  la « Contribution Souveraine Carbone » suscite un vif débat au sein de l’opinion nationale. Dans cette interview exclusif accordé à Gabon Media Time ce vendredi 05 décembre 2025, Scyrielle P. Sende Etali, Administrateur Directeur Général de l’Agence Gabonaise pour le Développement de l’Économie Verte (AGADEV) revient sur les enjeux de la mise en place de cette contribution. Lecture. 

Madame Scyrielle P. Sende Etali, pouvez-vous expliquer en quoi consiste précisément la « Contribution Souveraine Carbone », ainsi que les objectifs principaux que le gouvernement cherche à atteindre en la mettant en place, notamment dans le cadre de la transition vers une économie plus verte ?

Merci pour l’opportunité que vous nous donnez de prendre la parole sur ce sujet. Nous voudrions commencer en apportant 2 corrections à votre introduction.

En premier lieu, il convient de préciser que la contribution carbone n’est ni une taxe, ni une redevance. Elle ne vient pas rémunérer le fonctionnement d’un service public ou l’utilisation d’un ouvrage public. Elle est encore moins un impôt qui, par définition, est fixé unilatéralement sans contrepartie. La contribution carbone, elle, ouvre droit à une contrepartie : la délivrance d’une attestation de compensation conforme aux meilleurs standards internationaux que les opérateurs ont toute latitude de faire valoir devant toute juridiction de leur choix pour justifier de la neutralisation de leur empreinte carbone en terre Gabonaise.

De ce fait, la contribution carbone agit plutôt comme un mécanisme environnemental à caractère financier qui procède de l’obligation de compensation des émissions de carbone générés par les opérations de transport international, et ce, conformément aux engagements que ces opérateurs ont librement pris au niveau de leurs industries respectives.

Ensuite, la contribution carbone n’est pas nouvelle. Elle a pratiquement 12 mois d’existence dans la mesure où elle a été instaurée en République Gabonasie en vertu du décret numéro 0054/PR/MECCHF du 16 janvier 2025 et mise en œuvre dès le mois de mars 2025. C’est son application qui a fait l’objet de quelques ajustements dont les derniers n’ont été apportés que très récemment. 

Ceci clarifié, il est important de comprendre que ce mécanisme n’est qu’un des outils destinés à construire un véritable pilier économique vert au Gabon. Son rôle est double : assurer le financement de programmes liés à la valorisation du capital naturel et à la transition écologique dans notre pays, mais aussi garantir le respect de nos engagements internationaux sur la limitation de notre empreinte carbone.

Quelles sont les modalités de collecte de cette taxe pour les opérateurs aériens et maritimes ? Comment l’Agence gabonaise pour le développement de l’Économie verte (Agadev) se prépare-t-elle à gérer le recouvrement, et surtout quelles mesures seront prises pour garantir que cette collecte soit efficace et transparente ?

Il est important de souligner que le Gabon n’invente rien en la matière. Les mécanismes souverains de compensation d’émission carbone existent depuis plus de 20 ans. C’est en Afrique que leur adoption est nouvelle. Le Gabon est le 2ème pays à le faire après Djibouti et la République de Guinée (Conakry) vient de lui emboîter le pas. D’autres pays sont dans les starting blocks et vont suivre depuis l’endossement du mécanisme par l’Union Africaine.

Tout cela pour dire que nous intégrons une machine huilée et aux standards internationaux : Registre indépendant, déclaration et contrôle des mouvements aériens et maritimes, utilisation des facteurs d’émissions normés définis par les différentes industries, audit des comptes par un cabinet de renommée internationale, revue qualité de l’ensemble du processus. Au niveau local, nous y ajoutons la production mensuelle d’un rapport d’activité retraçant les sommes reçues et l’utilisation qui en est faite.

L’impact sur les opérateurs est minime, marginal : On parle ici en moyenne de FCFA 2.000 par container ou par billet d’avion. À titre indicatif, en France on parle aujourd’hui d’un coût environnemental compris entre FCFA 5.000 et FCFA 25.000 par billet et en Europe, d’un coût moyen d’environ FCFA 40.000 par container. En Afrique, et au Gabon particulièrement, nous avons choisi de rester dans des proportions parfaitement indolores pour les opérateurs. La transition écologique ne doit pas se faire au détriment de la logique économique.

Et pour être totalement complète sur le sujet, je tiens à préciser que la contribution est supportée par les opérateurs et non par les populations Gabonaises.

L’annonce concernant la rétroactivité de cette taxe et son éventuelle violation du principe constitutionnel de non-rétroactivité des lois fiscales suscite un vif débat auprès des opérateurs. Qu’en est-il exactement et quelles pourraient être les conséquences juridiques pour les opérateurs concernés ? 

La contribution carbone a été instaurée en janvier 2025 au terme d’un décret pris en Conseil des Ministres, signé par le Président de la République, le Premier Ministre et 4 ministres de la République lui conférant ainsi un caractère exécutoire que seul un texte règlementaire subséquent d’égale valeur ou supérieur peut remettre en cause, et son application a commencé en mars 2025. Il n’y a donc aucun problème de rétroactivité.

La confusion est venue d’une mauvaise interprétation par certains opérateurs aériens et maritime d’une note de Monsieur le Ministre d’Etat, Ministre de l’Economie autorisant les opérateurs économiques à ne pas honorer le règlement de taxes et redevances non inscrites dans la loi de finances 2025.

Il est important de souligner que l’objectif, l’esprit de cette note de Monsieur le Ministre d’Etat, que nous vous invitons à lire attentivement, était de faire la chasse aux taxes et redevances décidées unilatéralement par certains démembrements de l’Etat, sans l’accord de la première autorité financière de l’Etat qu’il incarne.

De notre point de vue, les conditions dans lesquelles la contribution carbone a été instaurée l’excluaient de facto du champ d’application de la note de Monsieur le Ministre d’Etat, Ministre de l’Economie. 

De plus, comme expliqué plus haut, par définition et en raison de sa structuration, la contribution carbone ne pouvant être assimilée ni à une taxe, ni à une redevance, elle n’était clairement pas concernée par cette note. 

A l’AGADEV, nous avons fait passer à plusieurs reprises l’ensemble de ces messages aux opérateurs aériens et maritimes. 

Certains ont immédiatement compris la justesse de nos arguments techniques et ont continué à régler normalement la contribution carbone. D’autres, par mesure de prudence, ont continué les déclarations tout en suspendant les paiements, mais en constituant des provisions pour y faire face le moment venu. C’est le principe de prudence universellement connu. Enfin, un groupe d’opérateurs a fait le choix de faire une lecture partiale de la note ministérielle et a décidé unilatéralement de se soustraire à leur obligation vis-à-vis de la contribution carbone. Ce sont ces opérateurs qui évoquent une violation, qui n’a jamais existé, du principe constitutionnel de non-rétroactivité fiscal. 

En réalité, il n’y a pas de problème de violation du principe de la non-rétroactivité des lois et il n’y a pas de vifs débats avec les opérateurs. 

La situation est beaucoup plus simple : certains opérateurs respectent les lois et règlements de notre pays, d’autres pas. À l’analyse, il est curieux de réaliser que ceux qui se plaignent et qui refusent de payer la contribution carbone au Gabon le font pourtant avec empressement sous d’autres cieux et notamment Djibouti, sans que cela ne suscite autant de polémiques.

Opérateurs-Etat, nous sommes condamnés à nous entendre et c’est le plus important à retenir. Tout rentre progressivement dans l’ordre 

Gabon Media Time

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