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Surtaxes aériennes : le Gabon va-t-il continuer à tuer son ciel ?

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Avec 297,70 dollars de frais par billet, le Gabon trône tristement en tête des pays africains les plus chers pour les vols internationaux. Une position ubuesque pour un pays qui aspire au développement du tourisme, à l’attractivité économique et à la compétitivité régionale. À force de surtaxer les voyageurs, Libreville prend le risque d’asphyxier durablement son secteur aérien. Analyse. 

Selon le rapport 2024 de l’Association des compagnies aériennes africaines (AFRAA), le Gabon détient un record dont il se serait bien passé : celui du pays africain où les taxes et redevances aéroportuaires sont les plus élevées. En moyenne, un passager quittant le pays débourse plus de 167 000 FCFA rien qu’en frais imposés, bien au-delà de la moyenne continentale. Une aberration dans un pays dont le trafic annuel peine à franchir le cap symbolique du million de voyageurs, malgré son potentiel touristique encore largement inexploité.

Une fiscalité punitive qui étouffe le secteur aérien

Le maintien de cette pression tarifaire exorbitante interroge. À quoi sert-il de vanter les mérites du tourisme de nature, des plages de Pongara, de la richesse du parc de Loango ou de la future “Ville Verte” si se rendre au Gabon coûte plus cher qu’un vol vers Paris ou Dubaï depuis une capitale ouest-africaine ?

En mai dernier, l’Association internationale du transport aérien (IATA) sonnait déjà l’alarme, dénonçant l’entrée en vigueur d’une hausse de 157 % des redevances de sûreté aéroportuaire au Gabon à partir du 1er juin 2025. Ce relèvement, totalement déconnecté des standards régionaux, s’ajoute à une longue liste de redevances opaques : sûreté, sécurité, service de navigation, taxes environnementales, frais de développement d’infrastructures… Résultat : les compagnies fuient, les touristes hésitent, les prix explosent.

Un écosystème aérien miné par l’avidité fiscale

À l’heure où d’autres pays africains révisent leurs politiques aéroportuaires pour attirer les low-costs, stimuler le tourisme régional et intégrer pleinement le marché unique du transport aérien africain (SAATM), le Gabon fait tout l’inverse. Il érige une barrière fiscale contreproductive entre lui et le monde. Pis encore, les recettes générées par ces surtaxes n’ont pas encore démontré un impact concret sur la modernisation des infrastructures ou la baisse des coûts logistiques.

Le secteur aérien, pilier de l’ouverture économique, ne peut pas continuer à être traité comme une vache à lait budgétaire. Aucun pays ne peut bâtir une industrie touristique crédible ni attirer des investisseurs internationaux avec des billets d’avion surfacturés.

Il est temps d’abolir les taxes inutiles et de libérer le ciel gabonais

L’heure n’est plus aux demi-mesures. Les autorités doivent cesser de regarder l’aviation commerciale comme une simple source de revenus passifs. Il faut désormais abolir purement et simplement certaines de ces taxes sans fondement économique et entamer une réforme structurelle de la tarification aéroportuaire.

Dans un pays où le trafic aérien domestique est quasi inexistant, où les connexions internationales restent limitées et où l’économie a besoin d’oxygène, maintenir ces surtaxes revient à scier la branche sur laquelle repose toute stratégie de diversification.

Le ciel gabonais n’a pas besoin d’un enfermement fiscal, mais d’une véritable ouverture. L’attractivité commence par des billets accessibles, un cadre réglementaire clair et une vision volontariste. Sans cela, le Gabon restera un joyau enclavé, isolé par ses propres contradictions

Henriette Lembet

Journaliste Le temps est une donnée fatale à laquelle rien ne résiste...

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