Présidentielle 2025 : l’effacement des partis historiques au profit de l’individualisme et des mouvements associatifs

À l’approche de l’élection présidentielle du 12 avril 2025, une mutation profonde du paysage politique gabonais se confirme. Les partis politiques historiques, autrefois piliers du débat démocratique, apparaissent silencieux et affaiblis, tandis que des candidatures individuelles et des associations politiques éphémères prennent le dessus. Cette évolution interroge sur la viabilité d’un système politique où l’individualisme supplante les structures traditionnelles et où les mouvements opportunistes se substituent aux partis dans la conquête du pouvoir.
L’échec des partis historiques à structurer l’élection. Les grandes formations politiques, telles que le Parti démocratique Gabonais (PDG), l’Union nationale (UN), Les Démocrates (LD), le Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM),Rassemblement pour le Gabon (RPG), le Parti social-démocrate (PSD), et l’Union du peuple gabonais (UPG), qui dominaient la scène politique gabonaise depuis des décennies, sont aujourd’hui quasiment inaudibles. Aucun de ces partis n’a réussi à imposer un candidat fort ni à structurer une campagne électorale avec une vision claire et mobilisatrice.
Ce silence est le symptôme d’une crise de légitimité profonde. Déconnectés de la réalité sociale et minés par des divisions internes, ces partis peinent à incarner une alternative crédible à la transition en cours. L’Union Nationale, pourtant autrefois figure de proue de l’opposition, ne semble pas en mesure de structurer un véritable front contre le pouvoir actuel. Le PDG, ancien parti hégémonique, est en pleine déliquescence, incapable de rebondir après la chute d’Ali Bongo. Face à cette désorganisation, les figures politiques en quête de pouvoir préfèrent se détacher des partis pour exister individuellement, contribuant ainsi à la fragmentation du paysage électoral.
L’émergence des candidatures individuelles : un renforcement du pouvoir personnel
Dans ce contexte de faillite partisane, la présidentielle de 2025 s’annonce comme une compétition dominée par des ambitions individuelles plutôt que par des projets collectifs portés par des formations politiques solides. Des figures comme Brice Clotaire Oligui Nguema, Alain-Claude Bilie-By-Nze, Joseph Essingone Lapensée et Stéphane Germain Iloko Boussiengui entrent en lice sans le soutien affirmé d’un parti structuré, mais sur la base de leur nom propre et de leur réseau personnel.
Cette montée en puissance des candidatures indépendantes traduit un glissement vers une gouvernance personnalisée, où le pouvoir repose moins sur des idées et des programmes que sur la popularité et la capacité à capter le soutien des élites influentes. Cela renforce l’idée que la présidentielle se joue sur des rapports de force et des alliances de circonstances, et non sur une confrontation entre visions idéologiques opposées.
L’ascension des associations politiques : entre opportunisme et recomposition du pouvoir
L’autre phénomène marquant de cette campagne est la multiplication des associations politiques, qui tendent à remplacer les partis traditionnels. Ces structures, souvent créées à la hâte, se présentent comme des organisations de soutien à un candidat, sans réelle existence idéologique ni programme politique clair. Leur principal objectif est de se positionner en tant que relais d’influence, espérant bénéficier d’un accès privilégié au pouvoir une fois l’élection passée.
Ces mouvements sont d’autant plus préoccupants qu’ils sont souvent pilotés par des proches du président de la Transition ou par des personnalités cherchant à consolider leur place dans l’appareil d’État. Ils ne contribuent ni à structurer le débat, ni à garantir une alternance démocratique, mais servent plutôt à légitimer une candidature dominante en lui donnant une apparence de soutien populaire spontané.
Un affaiblissement du débat démocratique et des institutions
L’absence de partis politiques forts et la montée de l’individualisme dans la présidentielle de 2025 risquent d’affaiblir durablement le débat démocratique et les institutions gabonaises. Sans formations politiques structurées pour encadrer l’action gouvernementale, comment assurer une gouvernance stable et cohérente après l’élection ? Une fois au pouvoir, quand bien même avec le soutien d’un mouvement associatif poliun leader sans parti ne pourra compter que sur un cercle restreint d’alliés personnels, limitant ainsi la représentativité et le jeu démocratique.
En réduisant la politique à une compétition d’individus et en laissant les partis historiques sombrer dans l’inaction, le Gabon court le risque d’établir un système où chaque élection repose uniquement sur des figures charismatiques, sans institutions solides pour encadrer leur action. Dans une démocratie fonctionnelle, ce sont les partis qui assurent la continuité des idées, l’organisation de la gouvernance et la structuration du débat public. Leur disparition progressive au profit d’initiatives plus informelles marque une régression démocratique inquiétante.
Si cette tendance se confirme, la présidentielle de 2025 pourrait être le signal d’un basculement vers une gestion du pouvoir encore plus personnalisée, où la capacité à séduire et à manœuvrer prime sur la construction d’un véritable projet politique. Pour éviter que cette dérive ne s’installe durablement, il devient urgent de réhabiliter le rôle des partis politiques et de reconstruire un espace politique où les débats reposent sur des idées et des programmes, et non uniquement sur les ambitions personnelles.
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