Présidentielle 2025 : le PDG, en perte de vitesse, contraint de soutenir son propre bourreau

Le paysage politique gabonais vit une transformation sans précédent. À l’approche du scrutin présidentiel du 12 avril 2025, un fait marquant bouleverse l’ordre établi : le Parti démocratique gabonais (PDG), autrefois hégémonique, ne présente aucun candidat à cette élection. Une première depuis 1993, année de la première présidentielle sous l’ère du multipartisme, qui illustre la perte d’influence progressive de l’ancien parti au pouvoir, renversé par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) lors du coup d’État du 30 août 2023.
Un ancien géant politique désormais en retrait. Le PDG a régné sans partage sur la scène politique gabonaise pendant plus de cinq décennies, imposant ses candidats à chaque élection présidentielle, que ce soit sous le parti unique ou dans le cadre du multipartisme. Pourtant, en 2025, ce mastodonte se retrouve réduit à l’impuissance, en position d’observateur, voire de spectateur complice d’une transition qui l’a relégué au second plan.
Ce silence forcé est la conséquence directe d’un rejet massif de l’ancien système par une population lassée des dérives du régime déchu. Lors du Dialogue politique inclusif d’avril 2024, plusieurs participants ont proposé la dissolution pure et simple du PDG ou son exclusion temporaire du processus électoral, considérant ce parti comme l’incarnation du mal politique ayant conduit le pays à l’impasse institutionnelle et économique. Face à cette hostilité généralisée, le PDG a préféré jouer la carte de la prudence, évitant d’alimenter une rancœur déjà tenace au sein de l’opinion publique.
Un soutien discret mais stratégique à Oligui Nguema
Si le PDG ne présente aucun candidat, cela ne signifie pas pour autant qu’il reste sans stratégie. Plusieurs observateurs s’accordent à dire que le parti soutient discrètement la candidature de Brice Clotaire Oligui Nguema, son propre bourreau politique. Ce soutien, bien que non officiel, repose sur plusieurs éléments.
D’une part, de nombreuses figures issues du PDG se sont ralliées à la transition, espérant ainsi préserver leurs intérêts et maintenir leur influence dans les cercles du pouvoir. L’absence de restructuration claire du parti et l’effondrement de son autorité interne ont laissé place à des opportunismes individuels, certains cadres préférant s’aligner sur le nouveau régime plutôt que de résister à une transition dont ils ne maîtrisent plus les contours.
D’autre part, l’ancien parti au pouvoir semble avoir fait le choix stratégique de se repositionner à long terme, en se distançant temporairement du processus électoral pour éviter un rejet total de la part de la population. En soutenant de manière implicite Oligui Nguema, le PDG espère ainsi se maintenir en vie politiquement, le temps que la transition lui offre une opportunité de retour en force.
Une formation politique en pleine implosion
L’absence du PDG dans la course présidentielle ne s’explique pas seulement par des considérations stratégiques, mais aussi par une crise interne profonde. La chute d’Ali Bongo a provoqué un éclatement du parti en plusieurs factions, avec des tensions entre les anciens barons du régime et une nouvelle génération de cadres cherchant à se repositionner.
Ces divisions se sont traduites par une vague de démissions et de repositionnements opportunistes, certains anciens dignitaires ayant choisi d’intégrer les nouvelles dynamiques politiques plutôt que de se battre pour la survie d’un parti en déclin. Le choix de Blaise Louembé à la tête du PDG n’a pas suffi à rétablir l’unité, tant les luttes d’influence et le discrédit public rendent toute réorganisation complexe.
Un effacement durable ou un repli tactique ?
L’absence de candidature du PDG à cette élection présidentielle soulève une question essentielle : s’agit-il d’un effacement définitif ou d’un simple repli tactique avant un retour en force ?
D’un côté, certains estiment que le PDG est condamné à une disparition progressive, incapable de se réinventer après avoir incarné pendant des décennies un régime perçu comme corrompu et autoritaire. La montée des candidatures indépendantes et des mouvements associatifs opportunistes démontre que l’échiquier politique gabonais évolue vers un modèle où les partis traditionnels perdent en influence, laissant place à une gouvernance plus personnalisée.
D’un autre côté, le PDG pourrait profiter de cette transition pour se repositionner, en se débarrassant de son héritage encombrant et en tentant une refondation sous une autre forme. Mais cette stratégie reste incertaine, car sans un véritable projet de réforme et une rupture claire avec le passé, la réhabilitation du parti auprès de l’électorat gabonais semble compromise.
Un tournant décisif pour la politique gabonaise
L’élection présidentielle de 2025 marque un changement historique dans la configuration politique du Gabon. Pour la première fois depuis l’instauration du multipartisme, le PDG n’est plus au centre du jeu électoral et se retrouve réduit à un rôle d’allié discret du régime en place. Cette situation illustre le rejet profond d’un système qui a dominé le pays pendant un demi-siècle, mais elle pose aussi la question de l’avenir du pluralisme politique au Gabon.
Si le PDG disparaît du paysage ou reste marginalisé, quelle alternative pour structurer l’opposition et garantir une véritable dynamique démocratique ? La montée des candidatures indépendantes et des associations de circonstance peut-elle remplacer le rôle traditionnel des partis ? L’avenir politique du Gabon est en train de s’écrire, et l’issue de cette élection pourrait bien sceller définitivement le sort de l’ancien parti dominant.
GMT TV