Pr. Daniel Franck Idiata: «une langue nationale, c’est une escroquerie intellectuelle»
En marge de la célébration de la Journée mondiale des langues maternelles, le Pr. Daniel Franck Idiata s’est fendu d’un discours lucide et froid sur l’éventualité de l’érection d’une langue nationale au Gabon. Pour le linguiste, cette initiative relève de « l’utopie » et introduire des langues vernaculaires dans les programmes académiques est « une escroquerie intellectuelle et culturelle » car il n’y a « point de langue maternelle autre que le français en réalité ».
C’est à contre-courant de ses pairs, linguistes enseignants à l’Université Omar Bongo (UOB) qui ont récemment fait un plaidoyer visant à introduire des langues maternelles dans les programmes scolaires, que le Pr. Daniel Franck Idiata a décidé de nager. En effet, celui que la communauté estudiantine et scientifique appelle affectueusement « le pape » a tenu à donner son point de vue sur l’éventualité de l’établissement d’une langue nationale dans un État qui peine à s’ériger au stade de nation et qui comporte une cinquantaine d’ethnies.
Joint au téléphone par nos soins, le Pr. Daniel Franck Idiata s’est interrogé sur l’impossibilité d’une telle initiative. « Les langues vernaculaires sont des langues ethniques. Si vous élevez une langue vous élevez une ethnie au détriment d’autres. Quels critères seront retenus? Choisir le fang car c’est l’ethnie la plus peuplée ? Choisir le tsogho car c’est la langue du Bwiti qui est pratiquée partout ? Choisir le téké car c’est la langue du Chef de l’État ? Voilà pourquoi c’est extrêmement difficile. En réalité une langue s’impose d’elle-même parce qu’elle est forte », a-t-il souligné.
Par ailleurs, ce dernier estime que si la Journée mondiale des langues maternelles est louable, il n’en demeure pas moins que « c’est une utopie dans le cas du Gabon parce que malheureusement, point de langue maternelle autre que le français en réalité ». Occasion pour l’universitaire de préciser qu’au Gabon la langue maternelle est « la langue de première acquisition d’un enfant ». Or le français l’est pour une majorité d’enfants. Ainsi donc, « dire qu’on célèbre les langues maternelles avec en arrière-plan les langues gabonaises, c’est une aberration, c’est une escroquerie intellectuelle et culturelle », conclut-il à ce propos.