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Paul Marie Gondjout: «le Sommet sur le financement des économies africaines devrait être à l’écoute de tous»

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Alors que s’ouvre ce mardi 18 mai 2021 à Paris le Sommet sur le financement des économies africaines, plusieurs acteurs politiques du continent s’interrogent sur les enjeux de ce sommet. C’est le cas du secrétaire exécutif adjoint de l’Union nationale Paul Marie Gondjout qui, dans une lettre ouverte, a tenu à relever que si ces assises sont louables pour le cas spécifique du Gabon, un changement de gouvernance est souhaitable pour arriver à une véritable relance de l’économie. Ci-dessous l’intégralité de sa correspondance. 

« À leurs excellences,

Mesdames et Messieurs les chefs d’Etats et de Gouvernements,

Mesdames et Messieurs les Représentants des pays membres du G20,

Monsieur le Représentant de l’Etat des Émirats Arabes Unis,

Madame la Présidente de la Commission de l’Union Européenne,

Monsieur le Président de la Commission de l’Union Africaine,

Mesdames et Messieurs les Représentants des Organisations financières internationales

Participant au Sommet de Paris.

Excellences,

Les 17 et 18 mai 2021, vous vous réunissez  à Paris, dans le cadre d’un Sommet, à l’initiative d’Emmanuel Macron Président de la République Française. 

Ce sommet, qui n’est pas le 1er du genre, est consacré au financement des économies des pays africains et, selon le vœu de son hôte, à la recherche de solutions novatrices pour des voies nouvelles destinées à booster leurs économies.

C’est une initiative appréciable, qui arrive dans un contexte de crises économiques et sociales à répétition depuis 7 ans, la dernière étant consécutive à la pandémie du Covid-19. 

Je souhaite que cette rencontre débouche sur de vraies solutions, conformément à son objectif, pour éviter d’aggraver encore plus les déséquilibres humanitaires entre l’Afrique et le reste du monde. On en connaît les conséquences.

La question du financement des économies africaines sera certainement abordée avec son corollaire de la dette sournoise, véritable serpent de mer pour nos pays, qui plombe souvent le développement au profit des populations. 

C’est précisément pour cette raison que, au-delà des gouvernants, le Sommet de Paris devrait être à l’écoute de tous : Classes politiques tout bord confondu, Société civile et populations de manière générale, qui ont tous, un intérêt urgent et immédiat à être éclairés sur ces questions, à la recherche qu’elles sont, de solutions qui permettent à nos pays de sortir du marasme ambiant et préparer un avenir plus en phase avec leurs capacités.

Les enjeux pour l’Afrique sont importants. Ils conditionnent l’avenir de tout un continent et la souveraineté des Etats. Si la pandémie du Covid-19 a fragilisé les économies des pays africains, il est urgent de voir comment chacun de ceux-ci y a répondu et de savoir si, globalement, leurs économies ont été suffisamment structurées pour y faire face. À ce sujet, je ne parlerai que du cas de mon pays, le Gabon.

La problématique du Gabon est claire et les paradoxes sont éloquents. Le pays est doté d’un potentiel important au regard de la diversité et l’importance de ses ressources naturelles. Il dispose ainsi d’une faible population engendrant un Produit Intérieur Brut par Habitant (PIB/H) de $7700 en 2019, parmi les plus élevés du continent. Ce PIB/H le place au 90ème rang mondial.

Ce chiffre contraste cependant avec l’indice de développement humain (IDH) à partir duquel le Gabon est classé au 120e rang mondial. Ceci expliquant cela, l’on relève (1) que 2/3 de la population vit en-deçà du seuil de pauvreté avec moins de 1000fcfa par jour($1,6/d), (2) un taux de chômage des plus élevés du continent (40 à 50% de la population active) et (3) une dette évaluée à 80% du PIB en 2020.

Ces chiffres sont pour moi et pour les observateurs avertis du Gabon, le résultat d’une mauvaise gouvernance et de l’absence d’une vraie vision de développement qui se vérifie concrètement par, entre autres : 

  • l’état catastrophique du réseau routier, qui ralentit très sérieusement les échanges économiques intra régionaux et rend coûteux, sur les marchés, les denrées et autres bien de consommation, pour un pays qui importe plus de 80% de ce qu’il consomme. Il est aussi un frein à l’exploitation des ressources naturelles nécessaires au développement et à la diversification de notre économie ;
  • le phénomène de la systématisation de la corruption ; 
  • des atteintes récurrentes au respect de l’Etat de droit dans le domaine des affaires et en matière judiciaire, qui sont un épouvantail pour les hommes d’affaires ayant le souci de la stabilité juridique et économique de leurs investissements. Notre pays rassure d’ailleurs de moins en moins sur ce point ; il est 169ème au classement mondial du Doing Business ;
  • la faiblesse du contrôle parlementaire sur l’action gouvernementale et sur les Agences cachées derrière la tutelle de la présidence de la République. Il en est de même des nombreux scandales de détournement de lignes budgétaires qui se font parfois au nez et à la barbe du parlement et des dettes contractées par l’état sans l’accord du parlement ;
  • le verrouillage du système politique, qui empêche toute possibilité d’alternance et la mise en place de politiques alternatives quand les précédentes ont échoué.
  •  

Tous ces faits conjugués ont mis le pays en échec à l’intérieur comme à l’extérieur, au grand dam des populations.

En étant comme le mauvais élève de la classe, que peut-il attendre du Sommet de Paris et des bailleurs de fonds, qui s’exaspèrent du peu d’entrain du Pouvoir à faire les efforts et réformes nécessaires, au point mort, qu’il est, avec le FMI ?

Ce tableau de l’état général du pays est le reflet de la réalité, et nul ne peut se réjouir de cette paradoxale situation d’un pays richement doté mais pauvre de sa gouvernance et de ses performances économiques et sociales. C’est ça, malheureusement, l’exception gabonaise.

Après un précédent programme triennal avec le FMI, le Gabon se trouve en difficulté pour se relancer en raison d’une défaillance structurelle grave au plus haut niveau de l’organe de décision de l’Etat. Le programme très ambitieux 2021-2023 dit de « l’accélération de la transformation » ne pourra raisonnablement prospérer, en raison (1) d’importants gros dysfonctionnements que connaît l’appareil d’Etat, (2) d’une administration lourde, fonctionnant au ralenti, et (3) de perspectives économiques moroses. 

La mauvaise dette de l’Etat n’aidera probablement pas à favoriser une augmentation de la croissance économique dans la mesure où celle-ci sert à combler les déficits budgétaires et à rembourser d’anciennes dettes. En 2021, le taux de croissance projeté est de 2,7% alors que l’inflation devrait dépasser les 3% constatés en 2020. Le pays sera pratiquement en récession. 

C’est pourquoi je pense, dans le cas du Gabon, qu’un changement de politique et de méthode de gouvernance est nécessaire dans l’optique d’une relance de son économie. Celle-ci ne pourrait se faire que par une démarche progressiste et réformiste en coalisant des énergies engagées à remettre le pays sur pied.

C’est à cette condition que les grands créanciers internationaux pourraient s’accorder au rééchelonnement de notre dette et de sa reconversion pour financer des projets de développement, en pariant sur des véhicules financiers novateurs pour garantir les règlements de nos engagements extérieurs. 

Pour relancer son économie et pour ne pas pénaliser les populations qui souffrent déjà trop de la défaillance du régime actuel, l’urgence pour le Gabon serait de prioriser : 

  • la rationalisation des grands postes de dépenses des institutions budgétivores de l’Etat telle que la présidence de la République; 
  • La remise en état urgente des grands axes du réseau routier national et le lancement effectif des travaux de réhabilitation de la voie ferrée, ainsi que le projet de son doublement;
  • Le financement immédiat de la construction d’écoles, de lycées et collèges, ainsi que d’établissements d’enseignement supérieur et de formation professionnelle sur l’ensemble du territoire, assorti de la valorisation du métier d’enseignant, tous les secteurs confondus ;
  • Le financement de la formation des jeunes dans les métiers d’avenir et de manière générale, l’éducation à tous les niveaux, pour mieux fixer ces derniers dans notre pays et amoindrir la fuite des cerveaux ;
  • Le financement de la Reconversion, par un système de formation continue, des nombreux jeunes formés dans des filières sans débouchés, vers des filières à meilleure employabilité;
  • Le financement de toutes les initiatives visant à renforcer le corpus légal et le respect de l’état de droit et des droits de l’Homme;
  • Le renforcement et la promotion de l’initiative privée et l’entreprenariat national, dans les domaines à forte croissance comme le tourisme, l’agriculture, les NTIC ou l’habitat social, pour desserrer l’étau sur l’état en tant qu’agent économique et créer la richesse au niveau national.

Enfin, je pense que la gestion du Covid-19 a prouvé combien de fois nos systèmes de prévoyance et d’aide sociale se sont avérés insuffisants et fragiles au service d’un grand nombre de populations en détresse. Il est par conséquent urgent d’accompagner la réflexion et les actions qui suivront sur le financement des économies africaines par un autre accompagnement sur la mise en place ou le renforcement de système de prévoyance sociale avec des mécanismes de financement pérenne. 

Voilà, Excellences, comment doit être vu et compris le cas du Gabon au cours et à la sortie de ce Sommet de Paris qui, je voudrais le rappeler, doit parler à tous au-delà des seuls Gouvernants. 

Espérant que la présente rencontrera votre bienveillance, veuillez agréer l’expression de ma haute et déférente considération.

Paul-Marie GONDJOUT

Membre de l’Union Nationale, Opposition gabonaise. »

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