Oligui Nguema : «La géopolitique sera remplacée par la compétence»

Dans son discours à la Nation, le président Brice Clotaire Oligui Nguema a tranché : la géopolitique, ce mode de gouvernance fondé sur l’appartenance ethnique ou régionale, est un héritage inefficace que le Gabon doit abandonner. Un virage politique majeur à quelques semaines des législatives et locales de septembre 2025. Mais bien avant le chef de l’État, Anges Kevin Nzigou, candidat à la mairie de Libreville, avait déjà dénoncé ce système qu’il jugeait « empoisonner notre démocratie ».
S’exprimant ce 16 août, le président de la République a voulu donner une orientation claire. « La géopolitique, comme mode de gouvernance à laquelle nous avons été nourris, n’a pas porté les fruits escomptés. Elle sera remplacée par la compétence », a-t-il martelé. Dans le même souffle, il a appelé à « œuvrer collectivement à la construction d’une démocratie gabonaise soucieuse de liberté, de pluralisme et de responsabilité ».
Le chef de l’État, qui veut tourner la page des pratiques politiques héritées du passé, a insisté sur le respect du choix des citoyens. « J’appelle tous les acteurs politiques au respect des principes de dignité humaine, de démocratie et d’État de droit, en laissant le peuple gabonais, seul souverain, choisir ses représentants en toute liberté et dans la paix », a-t-il souligné.
À l’approche d’un scrutin déterminant pour la recomposition politique, ce message sonne comme un avertissement adressé à ceux qui, dans les coulisses, continuent de manipuler les appartenances régionales pour verrouiller le jeu électoral.
Anges Kevin Nzigou : « Un poison pour notre démocratie »
Quelques jours plus tôt, le 9 août, Anges Kevin Nzigou, candidat aux législatives et aux locales, avait déjà mis le doigt sur la plaie. Dans une déclaration remarquée, l’avocat et homme politique dénonçait une règle « non écrite » qui verrouille la mairie de Libreville. « Une règle non écrite veut que le maire de Libreville soit de l’ethnie myéné ou fang et de façon alternée, sans que chaque électeur n’ait son mot à dire. Cette pratique est contraire aux valeurs républicaines. Cette logique ethnique est un poison pour notre démocratie », avait-il lancé.
Cette sortie avait alors suscité le débat, tant la question de la géopolitique structure encore l’imaginaire politique gabonais, de la présidence de la République aux plus petites mairies de province.
Un discours qui crée une convergence
Que ce soit au sommet de l’État ou dans l’arène électorale, une même ligne se dessine : tourner la page des quotas ethno-régionaux et replacer la compétence au centre du jeu démocratique. Pour Oligui Nguema, il s’agit de « donner à chaque citoyen la possibilité de se faire élire sur la base de son mérite et non de ses origines ». Pour Anges Kevin Nzigou, il est urgent de briser les barrières invisibles qui enferment Libreville dans une alternance ethnique figée.
Cette convergence entre le discours présidentiel et les revendications de certains acteurs politiques comme Anges Kevin Nzigou pourrait marquer un tournant historique. Mais au-delà des mots, une interrogation demeure : les pratiques suivront-elles la volonté affichée ?
La fin de l’ethnicisation politique ?
Au Gabon, la géopolitique a longtemps servi de boussole aux nominations, aux candidatures et aux investitures. Elle a parfois permis de maintenir une paix relative, mais au prix d’une démocratie tronquée où les citoyens n’ont jamais eu pleinement la liberté de choisir.
En annonçant son enterrement, le président Brice Clotaire Oligui Nguema prend un risque politique, mais aussi un pari démocratique. Si les élections législatives et locales de septembre 2025 se déroulent effectivement sous le signe du respect du vote des citoyens, elles pourraient inaugurer une nouvelle ère : celle où les Gabonais choisiront leurs représentants pour ce qu’ils valent, et non pour d’où ils viennent.
GMT TV