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Microfinance : le Gabon en retrait dans la CEMAC, un levier pourtant stratégique pour l’économie

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Selon le dernier rapport de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC), le Gabon ne représente en 2024 que 7 % des encours de crédits distribués par les établissements de microfinance (EMF) dans l’espace CEMAC. Un poids marginal, loin derrière le Cameroun (57,6 %) et le Congo (26 %), qui interroge sur la place réelle du financement de proximité dans l’économie gabonaise.

Avec un portefeuille de microcrédits trois fois inférieur à celui du Congo et près de six fois plus faible que celui du Cameroun, le Gabon apparaît comme un acteur secondaire dans un secteur pourtant conçu pour irriguer les économies locales, soutenir l’entrepreneuriat de base et favoriser l’inclusion financière. À l’échelle sous-régionale, cette faiblesse traduit un retard structurel dans le déploiement et la densité des EMF sur le territoire national.

Un outil clé dans un contexte de crédit bancaire restreint

Ce constat chiffré ne doit toutefois pas masquer l’enjeu stratégique que représente la microfinance pour le Gabon. Dans un pays où l’accès au crédit bancaire classique demeure limité, notamment pour les très petites entreprises, les commerçants et les acteurs de l’économie informelle, les EMF constituent souvent le seul canal de financement accessible. Ils jouent un rôle essentiel dans la création d’activités génératrices de revenus, l’auto-emploi et la résilience économique des ménages.

La faiblesse relative du portefeuille gabonais révèle ainsi moins une absence de besoins qu’un déficit d’offre structurée, de couverture territoriale et de confiance durable entre institutions de microfinance et emprunteurs.

Un secteur actif mais fragile

La BEAC relève par ailleurs que le Gabon contribue à hauteur de 7 % à la dégradation du portefeuille régional de microfinance. Un indicateur qui souligne la fragilité du secteur, exposé à des risques élevés de défaut et de recouvrement. Cette situation reflète à la fois la précarité des bénéficiaires, la volatilité des activités financées et parfois des pratiques de gestion insuffisamment robustes au sein de certains EMF.

Ce niveau de risque, s’il n’est pas maîtrisé, freine l’expansion du secteur et limite sa capacité à jouer pleinement son rôle de levier économique.

Renforcer l’encadrement et élargir l’accès

Face à ces déséquilibres, la COBAC et les autorités monétaires appellent à un renforcement de l’encadrement prudentiel, conformément aux réformes en cours dans la sous-région. Pour le Gabon, l’enjeu est double : sécuriser le secteur pour réduire les risques systémiques, tout en stimulant son développement.

Cela passe notamment par l’encouragement à l’implantation d’EMF viables dans les zones rurales et périurbaines, encore largement sous-desservies, mais aussi par une meilleure professionnalisation des acteurs, l’amélioration des mécanismes de recouvrement et une éducation financière accrue des bénéficiaires.

À l’heure où la diversification économique et l’inclusion financière sont érigées en priorités, la microfinance apparaît comme un outil sous-exploité au Gabon. Reste à savoir si les réformes annoncées permettront de transformer ce secteur marginal en véritable moteur de financement de proximité, au service de l’économie réelle.

Henriette Lembet

Journaliste Le temps est une donnée fatale à laquelle rien ne résiste...

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