Meurtres, agressions sexuelles, violences, kidnappings, infanticides… le Gabon est-il devenu un foyer de criminalité?
Les récents évènements de Mékambo, qui ont abouti au meurtre tragique d’un éco-garde, s’inscrivent malheureusement dans un contexte global de violences et d’insécurité. Meurtres, agressions sexuelles, kidnappings, trafics, infanticides… En plus de la pandémie de Covid-19, les Gabonais doivent continuellement subir le virus une actualité jonchée de faits divers les uns plus dramatiques que les autres.
A Mékambo, c’est une colère légitime des populations, mal gérée par les autorités, qui a dégénéré en violences. La société gabonaise traverse-t-elle une période particulièrement sombre sans précédent ?
C’est la question que nous sommes en droit de nous poser au vu du caractère particulièrement anxiogène du climat dans lequel nous vivons ces derniers temps. De façon générale, quand il n’y a pas de sens, c’est l’émotion qui prime. L’émotion vient suppléer le sens manquant. L’émotion, quand elle est insensée, fait de nous des êtres vulnérables à la violence.
Des vies humaines arrachées et brisées de la manière la plus violente et la plus ignoble. Au cas de l’éco-garde abattu par un enseignant à Mekambo, nous avons, pêle-mêle, le corps sans vie d’une fille découvert sous un pont à Okondja, le tradipraticien poignardé à mort par sa patiente à Ntoum, tout comme la jeune dame assassinée par sa partenaire à Port-Gentil, l’enfant de 6 ans, assassiné puis vidé de son sang à Minvoul, la dame étranglée puis pendue par son concubin à Port-Gentil … Le plus improbable, pour les esprits sensés, c’est le drame qui a causé la mort d’un compatriote à cause d’un seau d’eau à Port-Gentil. Ces faits s’inscrivent dans la continuité d’autres événements particulièrement violents sans précédents
Dans la catégorie agressions sexuelles, les cas sont légion ; à l’instar de l’individu qui, à Port-Gentil, a écopé de 5 ans de prison pour viol sur la femme de son patron et de l’indélicat ayant violé une déficiente mentale. Dans le genre nourrisson, nous avons le kidnappeur de bébés pris en flagrant délit à l’hôpital Jeanne Ebori et les multiples cas d’abandon de bébés ou d’infanticides.
Comment rester insensible à tous ces évènements malheureux ? Pour peu qu’on ait encore un peu d’humanité en soi. Tout comme, on peut se demander, qu’est devenu le Gabon et où va ce pays ?
La société gabonaise glisse dangereusement vers une surenchère empreinte de perversité qui s’est malicieusement établie dans certains esprits. Si les phénomènes de violences et de criminalité dans la société gabonaise ne datent pas d’aujourd’hui, force est de reconnaitre que nous sommes dans une ère d’hypercriminalité, qui brasse une logique de surenchère, encouragée par la circulation de toutes sortes d’images et de vidéos, de propos et de caricatures, sur les réseaux sociaux.
A l’évidence, il nous faut éviter les amalgames. Tous ces faits n’obéissent pas aux mêmes logiques, n’engagent pas les mêmes responsabilités, n’ont pas pour origines les mêmes histoires. Mais, ce qui est confondant c’est l’état de crise multiforme et de stress permanent que vivent les Gabonais qui peuvent les pousser à bout. La délinquance ordinaire ou les drames qui alimentent la chronique des faits divers sont profondément plus marquants et empreints de violence inouïe.
A contrario, certains pourraient manifester qu’il n’y a rien de dramatique ou d’alarmant. Ces phénomènes n’étant pas statistiquement plus nombreux ni en évolution. Etant donné qu’on ne traite pas des trains qui arrivent à l’heure dans les medias et réseaux sociaux, les événements violents sont particulièrement mis en avant et passent en boucle ; ce qui donne le sentiment d’un glissement perpétuel de la société gabonaise vers le pire.
La paupérisation des populations, la perte des valeurs sociales et le laxisme sont sources de certains phénomènes sociaux : Attribuer ce climat anxiogène à la seule délinquance quotidienne serait une grave erreur. L’écroulement des valeurs sociales, qui doit être au cœur de nos préoccupations, entraine la dépravation des mœurs et conduit à l’effondrement de notre tissu social. La prolifération de certains phénomènes de société montre que la société gabonaise est profondément pervertie, sans repères, défaillante et en décadence. La paupérisation continue d’une partie de nos compatriotes, le sentiment d’abandon de certains territoires, le casse-tête de l’emploi sont d’autres exemples.
Par ailleurs, l’histoire de Mékambo, et tant d’autres histoires, est aussi celle de l’expression d’une colère sociale, et d’une incapacité des pouvoirs publics à entendre les revendications légitimes des populations. Ce que nous sommes nombreux à déplorer aujourd’hui. Ces violences et débordements à répétition sont d’autant plus déplorables que la restauration de l’autorité et de la confiance en l’Etat reste indispensable
S’accommoder, dans ce contexte, de ces violences et phénomènes croissants, voire tenter de les justifier nous rendrait collectivement irresponsables. Les violences jettent au contraire les Gabonais les uns contre les autres. Elles creusent les fossés et empêchent les transformations indispensables que sont en droit d’attendre les générations à venir. Ces phénomènes, là, n’aboutissent qu’à une chose: dénaturer la République.
Gregue Nguele, Editorialiste