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Mbigou : un centre médical sans médecin-chef, des milliers d’âmes livrées à elles-mêmes

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Au cœur du département de la Boumi-Louetsi, dans la province de la Ngounié, le centre médical de Mbigou fonctionne sans médecin-chef depuis plusieurs jours. Une situation alarmante pour une localité qui regroupe plus de 3 000 habitants en permanence, et qui illustre les carences structurelles du système de santé dans l’arrière-pays.

Un désert médical dans la Boumi-Louetsi. Les populations de Mbigou, chef-lieu du département de la Boumi-Louetsi, sont en colère. Alors que leur centre médical représente l’unique recours sanitaire de toute la zone, il se retrouve privé de ses deux médecins-chefs. Selon une note interne datée du 18 août 2025 et consultée par Gabon Media Time, « le médecin-chef étant en congé et son adjoint étant hors du département sanitaire (absence de logement), leur intérim sera assuré par le major du service des urgences, M. Mombo Nguélé Willy-Fride ».

En clair, dans un département de plus de 3 000 âmes, les urgences sont désormais confiées à un infirmier-major, faute de médecins disponibles. Une situation qui suscite incompréhension et inquiétude parmi les habitants.

Le scandale des logements administratifs

Les raisons de cette défaillance sont aussi édifiantes qu’inacceptables. Selon nos sources locales, l’un des deux médecins est contraint de partager son logement de fonction avec… deux sages-femmes, faute d’infrastructures adaptées. Quant à son collègue, il occupait temporairement le logement des agents de la perception du Trésor public, avant d’être prié de libérer les lieux pour laisser place à des stagiaires. Résultat : sans solution d’hébergement, il a quitté le département.

Ces anecdotes en apparence banales traduisent en réalité une faillite de l’État à garantir des conditions minimales de travail à ses agents de santé. Comment exiger de médecins qu’ils servent des populations rurales lorsqu’aucune infrastructure d’accueil ne leur est proposée ?

3 000 vies suspendues à une note d’intérim

L’affaire va bien au-delà d’un simple problème de logement. Elle traduit une défaillance systémique qui met en péril la vie de milliers de citoyens de la Boumi-Louetsi. Dans une région enclavée où les routes sont impraticables et où le moindre déplacement vers un hôpital de référence peut se transformer en expédition de plusieurs heures, l’absence de médecins sur place relève d’un véritable abandon d’État. Ici, chaque malaise, chaque hémorragie ou infection peut basculer en drame mortel faute d’une prise en charge immédiate. Ce n’est pas seulement une carence logistique, c’est une mise en danger manifeste des populations rurales, condamnées à survivre sans l’assistance médicale à laquelle elles ont droit.

« C’est un mépris pour les populations de Mbigou. Nos vies ne doivent pas dépendre de logements administratifs », s’indigne un notable local interrogé par Gabon Media Time. Et son indignation résume le sentiment général : à Mbigou, on ne demande pas des privilèges, on réclame simplement le minimum vital, c’est-à-dire des médecins présents et des conditions d’accueil dignes. 

Comment comprendre que dans un pays riche de ses ressources naturelles, une commune, chef-lieu d’un département de plus de 3 000 habitants en soit réduite à se contenter d’un intérim assuré par un infirmier-major ? Ce mépris, disent les habitants, illustre l’injustice criante entre le confort des capitales régionales et l’abandon des territoires de l’intérieur, pourtant tout aussi gabonais.

Une urgence nationale

À l’heure où le président Brice Clotaire Oligui Nguema place la santé au rang de priorité nationale, la situation de Mbigou interpelle. Elle pose la question de l’équité territoriale : pourquoi les populations de l’intérieur devraient-elles être abandonnées à leur sort, quand Libreville et Port-Gentil concentrent l’essentiel des efforts ?

Le ministère de la Santé est sommé d’agir. Non seulement pour restaurer une offre médicale minimale à Mbigou, mais aussi pour régler de façon structurelle la question des logements administratifs, véritable talon d’Achille du service public dans l’arrière-pays.

Karl Makemba

Engagé et passionné, Karl Makemba met son expertise et sa plume au service d’une information rigoureuse et indépendante. Fidèle à la mission de Gabon Media Time, il contribue à éclairer l’actualité gabonaise avec une analyse approfondie et un regard critique. "La liberté d'expression est la pierre angulaire de toute société libre." – Kofi Annan

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