Marc Ona Essangui: «La protection des populations de Mekambo relève de la responsabilité du gouvernement»
Depuis 2012 et davantage depuis 2017, Brainforest demande un bilan de la gestion des parcs nationaux et, plus spécifiquement, un audit financier et organisationnel de l’agence nationale des parcs nationaux (ANPN). Au côté d’autres organisations de la société civile, regroupées au sein de la plate-forme Gabon Ma Terre Mon Droit (GMTMD), nous avons demandé des clarifications sur (1) le cadre réglementaire et institutionnel, (2) le mécanisme de levée, de sécurisation et de gestion des financements, (3) le statut des personnels et les modalités de leur gestion, (4) le fonctionnement des services et (5) l’état des milieux naturels.
Résolument inscrits dans une logique de développement durable, nous n’avons eu de cesse de rappeler la nécessité de conserver les fonctions des écosystèmes tout en assurant des retombées économiques et en respectant les activités des populations.
Brainforest ne peut dissocier ces trois objectifs. Tout comme nous affirmons que le succès des parcs nationaux dépend aussi des trois conditions suivantes : (1) cohérence des politiques publiques connexes, (2) prise en compte des meilleures pratiques appliqués sous d’autres cieux et, (3) pleine implication des parties prenantes, notamment les populations rurales.
Face à la tournure prise par les événements de Mekambo, Brainforest tient d’abord à déplorer les scènes de violences et la mort d’un jeune compatriote appartenant à l’ équipe des écogardes en poste au sein du Parc de Mwagna qui ont émaillé les mouvements de protestation des population. Nous ne pouvons rester insensibles au traitement infligé à ces compatriotes gabonais victimes des attaques des pachydermes qui ne demandent qu’à mener leurs activités de substance sur leurs terres coutumières.
A ces compatriotes, nous réaffirmons la détermination de Brainforest à se battre pour le droit à la substance des populations.
Nous le réaffirmons pour rappeler au gouvernement que ces populations ont des droits consacrés aussi bien par les instruments juridiques internationaux que par les lois nationales : droit d’usage, droit au partage des bénéfices et droits d’usufruit.
La gestion des parcs nationaux, tel qu’envisagée par le gouvernement, n’a malheureusement que très peu intégré ces questions, au point de sombrer dans une forme d’accaparement des terres ou de colonialisme vert qui tend à spolier les populations de la terre de leurs ancêtres en leur déniant tout droit.
Les interventions musclées des forces de défense et de sécurité, le déploiement permanent d’Ecogardes sans statut juridique, participe de cette dérive.
La protection des populations de Mekambo relève de la responsabilité du gouvernement. La protection de la faune sauvage au mépris des droits des populations est une aberration.
C’est une conception coloniale voire raciste de la conservation de la nature. Le gouvernement se doit de combattre cette approche avec force et conviction. Pour cela, le gouvernement doit rompre avec l’instrumentalisation de la question écologique à des fins de légitimation politique sur la scène internationale.
Le gouvernement doit placer l’homme au cœur des politiques de conservation tout comme il doit remettre la nature au service de l’homme et non l’inverse.
Marc ONA ESSANGUI