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Loi sur les partis politiques : quelles garanties pour les libertés autour de l’usage du NIP ?

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Avec la promulgation de la loi n°016/2025 le 27 juin dernier, le Gabon a engagé une réforme majeure de son système partisan. Ce texte vise à assainir le paysage politique national en renforçant la transparence, en luttant contre la transhumance et en responsabilisant les formations politiques. Mais un point précis suscite la controverse : l’introduction du Numéro d’Identification Personnelle (NIP) dans le processus d’adhésion des militants. Cet identifiant, attribué à chaque citoyen, contient des données personnelles sensibles. Si son usage n’est pas rigoureusement encadré, il pourrait ouvrir la voie à des pratiques douteuses telles que le fichage politique, la stigmatisation ou des représailles administratives.

Conscient de ces risques, Gabon Media Time a interpellé, dès le 30 juin, l’Autorité de protection des données à caractère personnel et de la vie privée (APDPVP), en posant quatre questions essentielles : l’APDPVP a-t-elle été consultée avant l’adoption de la loi ? Existe-t-il un cadre juridique strict pour protéger ces données ? Des mécanismes concrets sont-ils en place pour prévenir le fichage ou la discrimination ? Enfin, un organe indépendant contrôle-t-il l’usage des données ? Dix jours plus tard, l’APDPVP a répondu, en s’appuyant sur la délibération n°079 BIS du 27 mai 2025, preuve que le ministère de l’Intérieur avait bien sollicité son avis en amont, le 14 mai.

Des garde-fous… mais peu de garanties concrètes

Dans cette délibération, l’autorité donne un avis favorable à l’usage du NIP par les partis politiques, sous réserve du respect de plusieurs conditions. Chaque formation devra déclarer son traitement de données via une procédure simplifiée. Il est interdit au ministère de l’Intérieur de publier ou de partager les listes d’adhérents. En cas de dissolution d’un parti, les données devront être restituées aux personnes concernées. Par ailleurs, les citoyens devront donner leur consentement libre et éclairé, et l’usage du NIP doit se limiter à une finalité unique : éviter les doubles adhésions.

Cependant, si la théorie semble protectrice, la pratique soulève des inquiétudes. La délibération ne mentionne aucun mécanisme de contrôle indépendant permettant aux citoyens de suivre ou de vérifier l’utilisation de leurs données. Rien non plus sur la possibilité d’un recours accessible ou d’un système d’alerte automatique en cas de manquement. L’approche repose donc sur la bonne foi des partis et du ministère… sans réel contre-pouvoir technique ou institutionnel.

L’APDPVP rappelle qu’elle pourra diligenter des enquêtes en cas d’abus, et que des sanctions sont prévues. Mais encore faut-il que les citoyens soient informés, formés, et aient les moyens de porter plainte, ce qui, dans le contexte actuel, reste hypothétique. L’usage du NIP dans la vie politique gabonaise constitue une première. Et si l’intention est louable à savoir, assainir et clarifier les appartenances partisanes, l’absence de garanties opérationnelles ouvre une brèche inquiétante. Plus que jamais, la vigilance citoyenne, juridique et médiatique devra s’imposer comme un rempart indispensable à la protection des libertés individuelles.

Karl Makemba

Engagé et passionné, Karl Makemba met son expertise et sa plume au service d’une information rigoureuse et indépendante. Fidèle à la mission de Gabon Media Time, il contribue à éclairer l’actualité gabonaise avec une analyse approfondie et un regard critique. "La liberté d'expression est la pierre angulaire de toute société libre." – Kofi Annan

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