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Libreville–Paris : le moment de vérité pour une relation sans tutelle

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Quand Emmanuel Macron atterrit ce dimanche à Libreville, ce n’est pas dans le même pays que celui qu’il a visité par le passé. Le Gabon qu’il retrouve n’a plus rien du décor figé entretenu pendant plus d’un demi-siècle. Depuis le 30 août 2023, date du renversement d’Ali Bongo par les Forces de défense et de sécurité, le pays s’est engagé dans une reconstruction institutionnelle et économique inédite. Une transition qui a débouché, en 2025, sur le retour à l’ordre constitutionnel et l’élection de Brice Clotaire Oligui Nguema à la magistrature suprême.

Autant dire que cette visite s’inscrit dans un moment charnière : celui où Libreville entend définir sa relation avec Paris sur de nouvelles bases.

Un Gabon post-Transition qui n’est plus disposé à subir

En foulant le tarmac de Libreville, Macron entre dans un pays où la souveraineté n’est plus un slogan, mais un marqueur politique assumé. Les nouvelles institutions sont en place, l’Assemblée nationale, le Sénat et les collectivités locales sont renouvelés, et l’exécutif affirme sa volonté d’une rupture nette avec les pratiques du passé.

Cette recomposition interne a nécessairement un impact sur la relation franco-gabonaise. Pendant des décennies, l’histoire entre les deux pays a été tiraillée entre coopération, interférences, proximité excessive et méfiances réciproques. Aujourd’hui, une vérité s’impose : le Gabon n’est plus disposé à jouer le rôle de simple spectateur dans un partenariat où Paris fixerait seule les règles du jeu. Et Macron, qui tente depuis plusieurs années de façonner une nouvelle doctrine africaine, le sait parfaitement.

Entre Paris et Libreville : le temps du paternalisme est révolu

La France ne peut plus aborder le Gabon comme un espace d’influence automatique. La montée en puissance de nouveaux acteurs, Chine, Turquie, États-Unis, Inde, Russie, a rebattu les cartes. Les investissements massifs de ces puissances ont fini de convaincre Libreville qu’aucune dépendance n’est irréversible et qu’un partenariat n’a de sens que s’il est équilibré.

Paris a perdu du terrain. Mais elle n’a pas perdu le Gabon. Elle n’y parviendra que si elle accepte la règle désormais imposée par l’Afrique du XXIᵉ siècle : respect, réciprocité, pragmatisme.

Finie la “Françafrique”. Finis les réflexes paternalistes. Les États africains revendiquent, sans détour, leur droit à choisir leurs partenaires, leurs orientations économiques et leur trajectoire stratégique. Le Gabon n’échappe pas à cette dynamique, il en est même un symbole fort.

Une visite sous haute tension diplomatique et économique

Le président français arrive dans un pays où les attentes sont claires : Un partenariat gagnant-gagnant, fondé sur l’offre et non sur l’héritage. Des investissements concrets, visibles, structurants. Une coopération qui renforce la souveraineté gabonaise, pas qui l’entrave. Macron devra démontrer que la France a compris cette nouvelle équation. Libreville, elle, n’a plus à prouver son autonomie : le pays a repris la main sur sa trajectoire politique, économique et diplomatique.

Cette visite sera donc un test. Un test pour la France, qui doit prouver qu’elle sait évoluer.
Un test pour le Gabon, qui doit affirmer la cohérence de sa nouvelle posture souverainiste.

Le défi de Macron : convaincre un Gabon qui n’attend plus

Oui, le Gabon accueillera Macron avec courtoisie. Non, le Gabon ne l’accueillera plus avec docilité.
L’époque des présidents africains sous tutelle est morte. L’époque des partenariats assumés et négociés au profit des peuples commence.

En atterrissant à Libreville, Emmanuel Macron le sait : cette visite n’est pas seulement diplomatique. Elle est historique. Et elle dira si la France a réellement compris le Gabon nouveau.

Morel Mondjo Mouega

Titulaire d'une Licence en droit, l'écriture et la lecture sont une passion que je mets au quotidien au profit des rédactions de Gabon Media Time depuis son lancement le 4 juillet 2016 et de GMTme depuis septembre 2019. Rédacteur en chef

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