Le Gabon survivra-t-il à ses propres enfants ?
Faisant suite à notre précédent éditorial intitulé « Pourquoi le Gabon engendre des fils qui broient leurs propres frères ? », il convient d’aller plus loin dans cette réflexion qui dérange parce qu’elle touche à une vérité profonde. Il existe des pays où l’adversité surgit de l’extérieur, où la menace porte l’uniforme étranger, où les crises sont importées par les vents du monde. Mais le Gabon, lui, connaît un mal plus intime. Ici, l’ennemi ne franchit pas nos frontières : il naît chez nous, il mange avec nous, il porte nos noms, il partage notre langue. Ici, le frère devient le bourreau de son propre frère. Et, depuis trop longtemps, cette tragédie n’est pas un accident. Elle s’est transformée en système, en méthode, parfois même en fierté honteuse.
C’est cela, la grande blessure gabonaise : un pays qui engendre des fils capables de broyer leurs pairs pour exister, qui détruisent par réflexe, qui piétinent par habitude, qui trahissent par opportunisme. Et le pire, c’est qu’ils le font avec méthode, avec jubilation parfois, comme des vainqueurs éphémères célébrant leur propre médiocrité.
L’histoire du monde nous avertit : la haine fabrique toujours un désastre
Le Soudan, Israël, la Russie, l’Ukraine… Le monde contemporain nous montre, chaque jour, ce que produit la haine lorsqu’elle devient une culture politique.
La guerre détruit tout : les hommes, les familles, les nations et les rêves.
Et après l’enfer, les peuples n’ont qu’un seul vœu : « Plus jamais ça ».
C’est ce que symbolisa le procès de Nuremberg au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : la promesse que plus jamais l’humanité ne tolérerait qu’une puissance broie ce qu’elle devrait protéger.
Mais nous, au Gabon, avons-nous tiré les leçons de l’Histoire ?
Ou, continuons-nous de mener des petites guerres intérieures, silencieuses mais tout aussi ravageuses, où des ambitions minuscules détruisent ce que des générations ont essayé de bâtir ?
Le vivre-ensemble n’est pas un slogan : c’est un devoir national
Nous n’avons pas choisi notre famille. Nous n’avons pas choisi nos compatriotes. Nous n’avons pas choisi de naître gabonais plutôt qu’autre.
Mais comme le rappelle Jean d’Ormesson : « Nous sommes tous des égarés. » Alors, pourquoi nous faire du mal ?
Pourquoi transformer notre pays en un champ de ruine morale ?
Pourquoi préférer le sabotage au progrès, la jalousie à la solidarité, la délation à la vérité ?
Vivre ensemble, c’est accepter que l’autre existe, et mieux encore, qu’il réussisse. C’est comprendre que personne ne construit un pays seul, et qu’un peuple n’avance jamais lorsqu’il tue ceux qui essayent de se réaliser avec le peu qu’ils ont comme ressource.
Le pouvoir vient de Dieu, dit-on. Mais Dieu a-t-il donné à quiconque le droit de nuire ?
Le pouvoir, dans notre imaginaire collectif, est un fardeau sacré.
Mais quel Dieu, quel qu’il soit, a donné à un homme l’autorisation morale d’humilier ? De briser ? D’exercer en toute impunité une domination fondée sur la peur plutôt que sur la dignité ? Personne. Aucune religion. Aucune sagesse ancestrale.
Ceux qui utilisent la puissance pour détruire trahissent à la fois Dieu, la République et le peuple.
Le Gabon abîmé par les micro-guerres du quotidien
Le mal gabonais n’est pas seulement politique. Il est administratif, social, professionnel, familial.
Dans nos administrations, pour une simple promotion de chef de service,
s’enchaînent fusils nocturnes, complots, humiliations, harcèlement moral.
Des frères se regardent avec suspicion, des sœurs se livrent des rivalités féroces, la jalousie remplace l’entraide, le mensonge supplante le mérite, la délation devient une monnaie d’ascension.
La destruction de l’autre est devenue un modèle social.
Un pacte tacite. Un poison lent. Et pourtant, chacun sait que la vérité construit, que l’encouragement élève, que la loyauté est un ciment national.
Le choix : s’effondrer dans la bassesse ou se relever par la dignité
Nous avons deux chemins devant nous. Le premier : continuer de permettre que la médiocrité gouverne, que la haine structure les rapports sociaux, que les ambitions bancales détruisent ceux qui bâtissent.
Le second : choisir la dignité, la vérité, la fraternité, la République dans ce qu’elle a de plus noble. Ce pays ne se sauvera pas avec ceux qui broient leurs frères pour exister.
Il se sauvera avec ceux qui refusent d’être complices du déclin moral,
qui tiennent debout malgré la tempête, qui refusent le mensonge comme mode de gouvernance, qui préfèrent l’honneur à l’opportunisme, le travail à la triche, la lumière à l’ombre.
Le Gabon ne tombera jamais tant que ses meilleurs fils resteront debout
Les fils indignes finiront toujours par s’épuiser dans leur propre vacuité.
Ils s’étoufferont dans la petitesse qui leur sert de projet politique.
Mais les fils debout, eux, tiendront. Ils reconstruiront. Ils montreront qu’un pays se relève toujours quand ses meilleurs enfants refusent de plier.
Parce qu’un pays ne tombe jamais quand ses meilleurs fils refusent de s’agenouiller devant la bassesse.








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