Le Gabon ou le Covidstan: la pandémie, un alibi aux interdits, à la gabegie et à l’inertie
Christian EMANE NNA nous partage dans cette tribune son analyse sur l’actualité et plus largement son constat sur la situation politique, économique et sociale du Gabon un peu plus d’un an avant la prochaine élection présidentielle. Il livre son sentiment sur les mesures « restrictives et punitives » qui « sont devenues depuis deux ans, la seule offre d’action publique » dans notre pays. Il expose aussi son point de vue sur la gestion des fonds alloués au Gabon pour renforcer sa résilience face à la Covid-19. Enfin, il dénonce la gabegie et l’inertie au sommet de l’Etat, en démontrant que « même au temps de sa prétention et de sa suffisance, celui qui s’est imposé aux Gabonais par la force en 2009 et 2016, n’a jamais été capable de tenir le gouvernail du Gabon sans s’abonner et s’abandonner au magister des mystificateurs ».
Au Gabon, la gestion de la Covid-19 et les mesures y relatives, particulièrement restrictives et punitives, sont devenues depuis deux ans, la seule offre d’action publique, reléguant en arrière plan les aspirations profondes des Gabonais. L’incapacité à formuler et à mettre en œuvre des projets de développement et la volonté de taire l’expression de l’insatisfaction et la contestation populaire, trouvent, honteusement, en cette pandémie, un alibi aux multiples interdits, à la gabegie et à l’inertie, transformant le Gabon en Covidstan.
Mieux encore, au moment où partout dans le monde, la grande majorité des gouvernements proposent et entament le retour à une vie normale pour leurs citoyens, les autorités gabonaises, malgré la tendance à la baisse des chiffres de la Covid-19, s’engluent avec rigidité dans leur logique de restriction des libertés, aux antipodes de la formulation et de la planification d’une vraie stratégie de relance post-Covid.
L’annonce dilatoire devant les députés, d’une éventuelle levée des mesures, en contradiction avec les décisions iniques prises, il y a seulement quelques semaines, est la preuve, s’il en fallait, de l’inconséquence de ceux qui sont à la tête du Gabon. En attendant, les autorisations spéciales, les interdictions d’aller et venir, les limitations d’entrer et de sortir, l’obligation vaccinale et les diverses taxations illégales continuent à essuyer le rebut et refus des Gabonais.
L’obligation vaccinale sans contrepartie ni compte-rendu est une abjection
Imposer le vaccin et exiger des sacrifices aux populations sans aucune contrepartie, en termes de mesures d’accompagnement économiques et sociales, et sans rendre compte de la gestion des sommes allouées par les bailleurs de fonds pour renforcer la résilience de notre pays face à la crise sanitaire, est une abjection. En l’occurrence, le rapport d’enquête parlementaire, interdit de publication, et le rapport d’audit de gestion de la Covid-19, attendu des gouvernants, dont la rédaction a été confiée à un cabinet international, sont de véritables boulets accrochés à chaque pied de ceux qui dirigent le Gabon.
Faut-il rappeler qu’en 2021, les gouvernants avaient promis aux Gabonais un compte rendu trimestriel sur la gestion du pays ? Cette promesse, comme bien d’autres, n’a pas été tenue. Toutefois, les Gabonais sont en droit d’exiger le bilan sincère de la gestion des différents concours reçus dans le cadre de la riposte face à la Covid-19. Dans ce registre, notre pays a bénéficié de 90 millions de FCFA de la part de la filiale gabonaise du groupe bancaire panafricain UBA ; 500 millions de FCFA de la communauté libanaise du Gabon ; 525 millions de FCFA de l’Union Européenne ; 3,3 milliards de FCFA de l’Agence Française de Développement ; 5 milliards de FCFA de la Banque Mondiale ; 65 milliards de FCFA de la Banque Africaine de Développement ; 200 milliards du Fonds Monétaire International. A ces sommes, il faut rajouter une avance de 58 milliards de FCFA pour l’appui budgétaire sur les 276 milliards de FCFA, de l’accord triennal approuvé par le conseil d’administration du Fonds Monétaire International, le 28 juillet 2021, au titre du Mécanisme Elargi de Crédit, qui a pour but de soutenir la stratégie de relance post-Covid de notre pays.
Soit, à ce jour, une allocation globale des bailleurs de fonds et des autres partenaires d’environ 332 milliards de FCFA pour renforcer la résilience du Gabon face à la Covid-19.
Indéniablement, au regard de ces chiffres, la non-publication du rapport d’enquête parlementaire sur la gestion de la Covid-19, couverte par une règle opportuniste, conçue au service de l’absolutisme, traduit une ferme volonté d’obstruction politique et de dissimulation des informations comptables. De toute évidence, même sans avoir les détails, l’opacité autour du chiffrage et du plan d’utilisation de ces aides permet aux Gabonais de décoder aisément le message. En effet, l’obstruction et la dissimulation donnent une indication sur la teneur de ce rapport dont chacun peut écrire la conclusion sans risquer de faire un hors-sujet.
Des irrégularités dans la chaine d’exécution de la dépense publique
En dépit de sa stratégie manipulatoire et mis au pied du mur par la pression de la société civile, les interpellations des parlementaires de l’opposition et les exigences de transparence du Fonds Monétaire International, le pouvoir en grande difficulté pour entretenir son train de vie et assumer les charges incompressibles de l’Etat, se voit contraint de rendre public le rapport d’audit de gestion de la Covid-19 au Gabon. En effet, le Fonds Monétaire International conditionne le versement des 219 milliards de FCFA restant au titre du Mécanisme Elargi de Crédit, à la publication de ce rapport.
Du reste, pour tenter de faire diversion sur les dysfonctionnements et les irrégularités de la gestion des fonds Covid-19, ceux qui sont à la tête de l’Etat, ont publié sur le site internet du Ministère de l’Economie, des centaines de factures et de documents. Mais au pays du clientélisme, de la violation du code des marchés publics, de la surfacturation et des éléphants blancs, cette publication faite en dehors des usages et des procédures de comptabilité publique, prouve qu’il y a péril en la demeure et panique à bord.
Au demeurant, la publication d’une facture ou d’un document comptable ne saurait être la preuve du bon fonctionnement des mécanismes de passation des marchés publics et de la chaîne d’exécution des finances publiques. En effet, l’émission d’une facture ne garantit pas la sincérité de son libellé, des désignations et de leur bonne réalisation. Elle est encore moins un gage de probité de l’ordonnateur ou du prestataire.
En l’occurrence, avant l’ordonnancement et le paiement d’une dépense publique, son traitement nécessite un engagement prévu dans la loi de finances et une liquidation qui inclut, entre autres, la vérification de la conformité des procédures, le contrôle de la réalisation de la prestation et la validation du montant de la dépense. A l’analyse des documents publiés sur le site du Ministère de l’Economie, la réglementation en vigueur en matière d’exécution de la dépense publique ne semble pas avoir été strictement respectée.
Le fainéant, le néant et la conciergerie
Que le Fonds Monétaire International et tous les autres partenaires du Gabon se rendent à l’évidence qu’il n’y aura pas de solution pérenne au Gabon tant que le pouvoir actuel s’imposera au Gabonais. Exercer des responsabilités pour profiter des privilèges sans avoir à en assumer les devoirs, c’est le modèle de gouvernance prôné par ceux qui dirigent notre pays depuis 2009.
Malheureusement, ces derniers n’agissent pas seuls, ils sont confortés par les acclamations et les connivences de leurs affidés, dépositaires des basses besognes et par l’allégeance de leurs obligés, bénéficiaires de nombreux avantages indus. Même si on constate que depuis quelques temps, ces laudateurs qui relayaient avec trompettes et maquettes, les fausses promesses, ont désormais perdu leur assiduité et leur loquacité à encenser leurs maîtres. Du reste, celui qui était leur chef, connu pour être fainéant, ne propose plus que le néant. Sa témérité à s’accrocher au pouvoir, en dépit de ses difficultés, ne suscite que l’indignité et la pitié « aux yeux du monde et des nations amies ». Et pour une fois, bien que contraints au silence par la dissolution de leur pléthore d’officines obscures, les zélateurs ont beau jeu de se taire.
Manifestement, face à un peuple qui refuse de céder à la duperie et à la démagogie, l’aplomb et l’exubérance des zélateurs a fini par agacer la régence. Tentant de couvrir successivement l’incompétence, l’inconséquence et l’absence à la tête de l’Etat, les gesticulations et les excès des rustauds ont davantage renforcé la détestation des Gabonais vis-à-vis du pouvoir et interrogé légitimement et intelligiblement la réalité de son exercice depuis 2009.
En effet, de 2009 à 2018, avec une gouvernance sous le modèle de la conciergerie, on a vu de nombreux scélérats, décidé de tout, s’accaparer de tout et en toute impunité, avant de s’en aller pour investir ailleurs, en prenant soin de narguer les Gabonais. Ils ont été aux commandes du Gabon, sans aucune expérience en matière de gestion d’un Etat, sans complaisance, ni compassion pour les populations, sans connaissance des aspirations de la nation et sans appartenance à son histoire et à son avenir. Ils ont pillé et ruiné le Gabon sous le sceau de l’inaptitude de leur fainéant mandant.
A l’évidence, même au temps de sa prétention et de sa suffisance, celui qui s’est imposé aux Gabonais par la force en 2009 et 2016, n’a jamais été capable de tenir le gouvernail du Gabon sans s’abonner et s’abandonner au magister des mystificateurs. Bientôt quatorze ans que le sommet de l’Etat est sous tutelle, livré à une succession de fumisteries qui ont orchestré la mise au placard des talents et la mise à l’écart des enfants de la nation.
« Gabon à revers » : le vide, la nurserie et la régence triumvirale
Depuis 2018, face à l’inaptitude et au vide, se refusant à arrêter la forfaiture, le pouvoir a choisi de contourner la constitution et de colmater les brèches, en inventant la nurserie, une nouvelle imposture pour remplacer la conciergerie à la tête de notre pays. Elle a favorisé l’arrivée aux manettes des enfants gâtés dont le premier jeu vidéo est « Gabon reverse ». Assurés de toute impunité par la régence triumvirale de leur infâme parentèle et autres clientèles, ils sont arrivés aux commandes de l’Etat, déterminés à être plus véloces, plus féroces et plus voraces que leurs forbans prédécesseurs. Malheureusement, leur piraterie et leur gabegie anéantissent l’Etat au détriment des populations qui croupissent, plus que jamais, dans la misère.
Le cafouillage, les rétropédalages et les querelles entre les cartels au sommet de l’Etat sont visibles. Les alliances de circonstance, les manigances et les discordances livrées au service des intérêts personnels et claniques, se font en confirmant la vacance à la présidence de la République et en éclipsant totalement les sujets de fond. L’Etat est déliquescent, incapable d’assumer ses obligations en matière d’éducation, de santé, d’inclusion sociale, d’infrastructure, d’emplois et de croissance économique…
Assurément, ceux qui sont au pouvoir constituent intrinsèquement la difficulté à laquelle est confronté notre pays et les Gabonais sont conscients que leurs discours et leurs actes sont une invitation à plonger dans une piscine vide et profonde.
Christian EMANE NNA Vice-Président de Debout Peuple Libre