Hommage à une icône partie trop tôt: Pierre Mamboundou Mamboundou, 10 ans déjà !
Le 15 octobre 2011 dans l’obscurité d’une nuit sans étoiles, Pierre Mamboundou Mamboundou s’endormit pour l’éternité. 10 ans après ce départ, l’aura et les idées de cet illustre fils du Gabon qui a dédié 22 années de sa vie au combat pour l’alternance politique et le développement économique et social de notre pays, demeurent ancrés dans la mémoire collective.
Monsieur le Président,
Comme nous l’enseigne Birago Diop « les morts ne sont jamais sous terre, – […] ils sont dans le rocher qui geint […] – ils sont dans la forêt, ils sont dans la demeure ». C’est pourquoi j’ai l’intime conviction que vous avez atteint la cime des cieux, demeure de nos ancêtres, foyer de ceux qui ont honoré notre belle patrie. De là-haut, je vous vois portant la lumière, instruisant les forces invisibles sur la nécessité de poursuivre la lutte pour libérer et développer notre cité. En ce jour de mémoire, la douleur des stigmates laissés par votre passage de l’autre côté du miroir se ravive dans les cœurs de tous ceux qui vous ont aimé, admiré, et accompagné ! Oui, dix longues années se sont écoulées et les vicissitudes du quotidien des Gabonais n’auront eu pour effet que d’accroître nos questionnements sur le pourquoi et le comment de votre disparition soudaine. Dans un paysage politique recomposé, fait de volte-face des deux côtés de l’échiquier, il manque cruellement une voix forte pour dénoncer, défendre et surtout proposer un chemin nouveau, un leadership pragmatique et clairvoyant.
Cher Tsakidi,
Nous sommes bien loin du « saut qualitatif » que vous espériez pour notre Terre Mère. Plus de 30% de nos compatriotes vivent toujours sous le seuil de pauvreté et près de 36% de la jeunesse, pourtant sacrée, demeure au chômage. Ce constat amer nous rappelle que richesse et développement ne vont pas toujours de pair. Comme vous le dénonciez jadis, « l’école, qui doit situer l’ambition d’un pays pour l’avenir [demeure] le parfait révélateur du mal gabonais, qui se complait à montrer que chez nous, le mérite, qui pourvoit à l’excellence, est définitivement sacrifié […] ». Du côté des infrastructures, « le réseau routier, qui doit être le moteur de l’unité nationale, demeure dans un état particulièrement lamentable », et les hôpitaux publics à défaut de soigner correctement deviennent des centres de détention à temps partiel. Le mal être gabonais semble donc s’intensifier, tuant les espoirs et le dynamisme de la jeunesse au gré de politiques publiques à 99,93% hasardeuses. En quête de changement, les Gabonais font cependant toujours face à des processus électoraux à l’issue incertaine. Oui, la biométrie que vous espériez a été galvaudée, renvoyant aux calendes grecques la matérialisation d’un fichier d’état civil et électoral fiable.
Le peuple est donc dans l’attente d’un réveil de ses dirigeants en priant que les esprits qui les poussent aux détournements massifs et au népotisme, devenus leur religion, soient enfin exorcisés !
Aussi, telle une parole d’évangile, rappelons à la mémoire de nos gouvernants que la réduction du train de vie de l’État avec la suppression des institutions facultatives (SENAT, CES, Vice-Présidence…) que vous portiez donnera un bol d’air aux finances publiques. Interpellons-les sur le fait que la diversification économique ne réussira que si elle est accompagnée d’un véritable écosystème local et régional permettant l’écoulement de nos produits. Signifions-leur que l’industrie des services, par le tourisme, la valorisation culturelle et artistique, etc., ont un potentiel inouï si tant est qu’on y investisse avec sérieux. Enfin, précisons-leur que dans aucun pays, la gabegie et l’ethnisme n’ont contribué au développement.
Dina,
N’en déplaise à tes pourfendeurs, tu auras su mettre la République sur des hauteurs ! Le père aimant, le frère protecteur, l’homme politique affable, l’orateur charismatique, le patriote déterminé et soucieux du bien commun nous manque tant. Et même si tu avais encore tant à donner, sache que ton passage nous a déjà bien éclairé, tant par la méthode proposée : le « MAC » (Maintenir, Améliorer, Changer) que par les nombreuses propositions de réformes envisages. Et il sera un jour vivifié, pour qu’advienne le Gabon tant espéré par nos ancêtres.
Dimani di Kumu, « Mukoku é boli, diambu aghe boli ». De ce fait, ta douloureuse disparition n’effacera pas ce parcours mémorable qui invite la nation tout entière à se rappeler ces mots intemporels de Frantz Fanon : « Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir par la même occasion ».
Dr Pierre N. MAMBOUNDOU