Harold Leckat : « Ils n’ont pas changé. Ils ont juste changé de tee-shirt politique »

Ils veulent que vous oubliiez. Ne les laissez pas faire. À la suite de ma précédente tribune intitulée « La République ne doit plus couronner les convertis de la dernière heure ! », beaucoup m’ont demandé : Et maintenant, on fait quoi ?
L’enjeu n’est pas seulement de dénoncer, il est aussi d’éveiller, d’éclairer, de mobiliser. Et quand je vois des politiques se saisir de cette question comme c’est le cas avec Joyce Laffite Tnsegue, candidat RPM dans le 5ᵉ arrondissement de Libreville, je me dis que peine n’est pas perdue.
Ils veulent votre complaisance. Opposez-leur votre lucidité.
Ceux qui, hier encore, vous ont méprisés, volés, bâillonnés, veulent revenir par la grande porte, déguisés en agneaux du renouveau. Ils veulent que vous détourniez le regard. Que vous acceptiez leur retour comme une fatalité. Au nom d’une prétendue inclusivité qui n’est autre que de la transhumance au mieux et au pire de la roublardise politique.
Mais vous avez le droit de dire non. Vous avez le devoir de vous souvenir. Et vous avez le pouvoir de les empêcher de revenir au pouvoir.
L’inclusivité n’est pas l’amnésie
Les mêmes qui validaient le « bulletin inique », qui applaudissaient les réformes contraires à nos valeurs ancestrales, qui participaient à la confiscation démocratique… sont désormais investis sous la bannière du changement et de la rupture. Faut-il donc que la mémoire collective soit si courte ?
Oui, l’inclusivité est nécessaire pour éviter les fractures. Mais elle ne doit pas être le paravent derrière lequel se faufilent, les co-listiers d’Ali Bongo Ondimba aux élections générales d’août 2023, ces artisans de la déchéance démocratique.
Reconstruire avec ceux qui ont démoli, c’est condamner le pays à revivre ses pires cauchemars. Ces ralliements de la dernière heure ne sont pas des conversions sincères : ce sont des repositionnements tactiques, de la transhumance hideuse.
Le bulletin de vote est une arme. Servez-vous en.
Dans quelques semaines, vous serez appelés à voter vos représentants à l’Assemblée nationale et aux assemblées municipales et départementales. Et déjà, les mêmes visages reviennent, les mêmes slogans vides, les mêmes fausses promesses. Mais cette fois, ils ne doivent pas passer.
N’écoutez pas leurs discours, relisez leurs actes. N’oubliez pas ceux qui ont validé « le bulletin inique ». N’oubliez pas ceux qui ont combattu la transparence électorale, l’indépendance judiciaire, la liberté de la presse.
Je ne cherche aucun poste. Je ne veux ni mandat, ni médaille. Je veux juste « continuer à veiller sur la société » et à ne pas arrêter de m’améliorer. Comme me l’a récemment rappelé avec gravité, un des vaillants fils de ce pays.
Je refuse de me taire pendant qu’on repeint en blanc les artisans du malheur collectif. Je me tiens aux côtés de tous ceux qui veulent un vrai Gabon nouveau, juste, libre et lucide. Je parle pour ceux qui n’ont pas de voix. Pour ceux qui ont peur. Pour ceux qu’on tente d’acheter, de corrompre et d’endormir.
Le changement ne viendra pas d’en haut. Il viendra de vous.
Si nous ne votons pas, ils gagnent. Si nous laissons les mêmes se recycler, ils gagnent. Si nous croyons que notre voix ne compte pas, ils gagnent. Mais si nous restons debout, ensemble, alors ils reculeront.
Battez-vous pour que la mémoire collective ne soit pas travestie
Le 30 août 2023 ne doit pas devenir un souvenir flou. C’était une révolte du cœur, une clameur populaire de dignité. Ne laissez personne réécrire cette histoire à sa manière en intervertissant les rôles.
Le 30 août 2023, le Gabon s’est levé. Le peuple a cru en une rupture, en un nouveau départ. Mais moins de deux ans plus tard, ce qui devait être un tournant historique prend les allures d’un recyclage à grande échelle.
Ne confonds pas bâtisseur et usurpateur
Pas les députés d’hier devenus bâtisseurs.
Pas les ministres recyclés en justiciers.
Pas les oppresseurs maquillés en libérateurs.
Le vrai bâtisseur, c’est celui qui a résisté quand c’était impopulaire, qui a parlé quand c’était risqué, qui est resté fidèle à ses valeurs quand tout l’y poussait à renoncer.
L’usurpateur, c’est celui qui a soutenu le système jusqu’à la veille de sa chute et qui, aujourd’hui, veut te faire croire qu’il a toujours été de ton côté.
Ils étaient hier sur toutes les estrades, micro à la main, scandant « C’est le temps » avec Ali, Sylvia et Noureddin, avec le PDG. Ils ponctuaient leurs meetings de « Le chien aboie, la caravane passe » ou de « Laissez-nous avancer », tournant en dérision les souffrances du peuple.
Et aujourd’hui, les voilà, cravate droite et costume ajusté, rebaptisés « bâtisseurs » au nom d’une inclusivité qu’ils brandissent comme un certificat de virginité politique.
Le 30 août 2023 n’était pas un « ôtez-vous de là que je m’y mette ».
Ce jour-là, nous avons cru en un essor vers la félicité. Mais si nous laissons les néo-bâtisseurs repeindre en blanc leur passé, ce jour ne sera plus qu’une illusion d’optique.
Nous avons besoin de cohérence, de justice mémorielle et de responsabilité historique.
Gabonaise, Gabonais, jeunesse de mon pays,
Ne donnez pas vos voix à ceux qui ont trahi hier et qui trahiront demain.
Ne confondez pas l’opportunisme avec la vision.
Et souvenez-vous : ils n’ont pas changé. Ils ont juste changé de tee-shirt politique.
Harold Leckat Igassela
Citoyen Gabonais
GMT TV