Guichet unique de l’investissement : l’ANPI-Gabon face aux marchands de lenteur
Présenté comme un pilier de la modernisation administrative, le guichet unique de l’investissement se retrouve au centre d’une controverse qui dépasse l’ANPI-Gabon. Accusations de racket déguisé, prolifération de « facilitateurs » et mise au point institutionnelle révèlent une pathologie plus profonde : la résistance d’un système où la lenteur administrative reste une rente.
Le débat est revenu brutalement dans l’espace public. Un média en ligne a récemment mis en cause le fonctionnement du guichet unique de l’Agence nationale de promotion des investissements (ANPI-Gabon), dénonçant un décalage entre la promesse officielle – création d’entreprise en 48 puis 24 heures – et la réalité vécue par certains entrepreneurs. En cause : des délais jugés excessifs et l’émergence d’intermédiaires informels proposant, contre paiement, d’accélérer des procédures pourtant encadrées par la loi.
Quand l’intermédiation devient une économie parallèle
Derrière cette polémique, une réalité structurelle bien connue de l’administration gabonaise. L’intermédiation administrative ne naît pas à l’ANPI. Elle prospère partout où la procédure est perçue comme complexe, opaque ou incertaine. Immigration, foncier, fiscalité, douanes : la lenteur devient un gisement économique, entretenu par des réseaux informels et parfois internes, qui transforment le temps administratif en monnaie d’échange.
Les conséquences sont lourdes. Cette parafiscalité informelle renchérit le coût de l’investissement, décourage l’initiative privée et installe une défiance durable vis-à-vis de l’État. Plus insidieux encore, ces réseaux ont objectivement intérêt à freiner les réformes et la digitalisation, qui menacent leur modèle fondé sur la rareté et l’opacité.
La mise au point ferme de l’ANPI-Gabon
Face aux accusations, l’ANPI-Gabon a opposé une réponse sans ambiguïté. L’Agence rappelle que seuls les frais officiellement affichés sur ses canaux sont exigibles et qu’aucun « facilitateur » n’est reconnu ou mandaté entre l’administration et l’entrepreneur. Toute demande financière extérieure à ce cadre relève, selon elle, de pratiques irrégulières dont l’ANPI décline toute responsabilité.
L’institution met également en avant les outils déployés pour assécher ces dérives : le Guichet Numérique de l’Investissement (GNI), conçu pour limiter les contacts physiques et assurer la traçabilité des dossiers, ainsi qu’un call center destiné à fournir une information fiable et directe aux porteurs de projets.
Un test de crédibilité pour l’État réformateur
Au fond, cette affaire révèle moins une défaillance isolée qu’un affrontement plus large. Celui d’un État qui tente de moderniser ses procédures face à des réseaux de rente qui vivent de l’inefficacité administrative. L’ANPI apparaît ici comme un terrain de confrontation emblématique, où se joue la crédibilité du discours réformateur.
La question demeure entière : l’administration gabonaise ira-t-elle jusqu’au bout de la lutte contre les intermédiaires illégitimes, ou continuera-t-elle de tolérer une économie de la lenteur qui mine la confiance et l’investissement ? De la réponse à cette équation dépend, en grande partie, la réalité de la modernisation de l’État.









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