Gabon–Union européenne : du froid diplomatique au partenariat de confiance

Huit ans après le séisme post-électoral de 2016, qui avait plongé les relations entre Libreville et Bruxelles dans un long froid diplomatique, l’Union européenne signe son retour sur la scène gabonaise. En appuyant la transition politique et les réformes institutionnelles engagées depuis le 30 août 2023, elle parie sur un nouveau cycle de confiance par la voix de sa représentante Cécile Abadie, dans une interview accordé au journal L’Aube n°438. Un “reset” assumé, où l’accompagnement a pris le pas sur la condamnation.
D’un rapport explosif à un dialogue apaisé. Décembre 2016. Le rapport définitif de la Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE-UE) sur la présidentielle opposant Ali Bongo Ondimba à Jean Ping jetait un pavé dans la mare. Il y était question d’« anomalies qui mettent en question l’intégrité du processus de consolidation des résultats ». Libreville criait alors à l’ingérence, Bruxelles parlait de transparence. S’ensuivirent trois années d’un dialogue gelé, marqué par des déclarations diplomatiques prudentes et un refus assumé du régime Bongo d’ouvrir une enquête indépendante sur les violences post-électorales.
Huit ans plus tard, le ton a changé. Depuis la “libération” du 30 août 2023 et l’avènement de la transition conduite par le général Brice Clotaire Oligui Nguema, les signaux sont désormais au dégel. « L’Union européenne a fait le choix de donner sa chance au processus de transition politique et de l’accompagner dans le respect des priorités nationales », confie Cécile Abadie, ambassadrice de l’UE au Gabon, Sao Tomé-et-Principe et auprès de la CEEAC.
Des garde-fous plutôt que des leçons
Dans cette nouvelle phase, l’Union européenne se veut “partenaire critique mais constructif”. Son approche ? Soutenir sans s’imposer. En lieu et place d’une mission d’observation institutionnelle, elle a financé un dispositif citoyen indépendant de suivi électoral. Objectif : renforcer les capacités locales et garantir une lecture gabonaise du processus démocratique.
Ce choix illustre une évolution de méthode : Bruxelles n’entend plus commenter les élections, mais accompagner les institutions chargées de les organiser, à commencer par l’Autorité de contrôle des élections et du référendum (ACER). L’ambassadrice se garde d’émettre un jugement sur le scrutin du 27 septembre dernier, mais souligne « l’importance du traitement impartial des recours et du rôle de l’ACER dans le rétablissement de la confiance électorale ».
Pour concrétiser cet appui, 2,3 milliards de francs CFA (3,5 millions d’euros) ont été mobilisés, dont une partie destinée au renforcement institutionnel et à la formation des médias, acteurs clés de la transparence démocratique. « Sensibiliser les parlementaires aux éléments clés d’une réforme constitutionnelle ou appuyer la société civile dans l’observation électorale font partie de nos priorités », précise la diplomate.
Le pari d’une démocratie apaisée
L’Union européenne, qui fut jadis un témoin gênant des dysfonctionnements du régime Bongo, mise aujourd’hui sur la consolidation progressive des institutions de la Ve République. Les critères de ce “retour à la normale” ? Une administration électorale crédible, une justice constitutionnelle respectée et des médias indépendants.
Si la prudence reste de mise, l’UE ne cache pas son optimisme. « Nous suivons avec attention les prochaines étapes du processus électoral, notamment le second tour des législatives et le règlement des recours », assure Cécile Abadie, avant d’insister sur la nécessité de maintenir « un dialogue permanent, transparent et sincère ».
De la surveillance à la coopération
En renouant avec Libreville, l’Union européenne acte une forme de maturité diplomatique. Le temps des injonctions a laissé place à celui du partenariat. En appuyant la transition plutôt qu’en la jugeant, Bruxelles entend peser dans la refondation démocratique du pays, tout en évitant les erreurs du passé.
Dans un contexte où les alliances se redéfinissent sur le continent africain, ce “reset” n’est pas qu’un symbole. Il traduit la volonté européenne de rester un acteur de référence au Gabon – non plus par le regard extérieur d’un observateur, mais par le soutien patient d’un allié institutionnel.
GMT TV