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Gabon : une Fonction publique pléthorique, inefficace et inutilement budgétivore

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La rationalisation de la dépense publique ne semble toujours pas concerner la Fonction publique gabonaise. Alors que le gouvernement prône une gestion rigoureuse des finances et annonce une économie globale de plus de 150 milliards de FCFA dans le cadre du Projet de loi de Finances (PLF) 2026, les dépenses de personnel poursuivent leur envolée. En effet, selon les données budgétaires, le Titre 2 « Dépenses de personnel » atteint 959,7 milliards de FCFA en 2026, contre 825,3 milliards de FCFA en 2025, soit une hausse spectaculaire de 16 %. Cette progression contraste avec le discours de maîtrise des charges de fonctionnement et traduit une dépendance persistante de l’État à un appareil administratif hypertrophié. 

Pourtant, les résultats de cette administration restent très en deçà des attentes. Lenteurs, corruption, absentéisme et inefficacité continuent d’alimenter la frustration des citoyens face à un service public souvent défaillant. Le paradoxe est d’autant plus flagrant que le plafond des autorisations d’emplois pour 2026 ne progresse que d’un peu plus de 1 100 agents. Cela signifie que l’État dépense beaucoup plus pour pratiquement le même nombre d’agents, sans que la performance ou la productivité n’en soient améliorées. En 2026, la masse salariale indexée à ces effectifs s’élève à 959 milliards de FCFA, absorbant près d’un quart des recettes budgétaires du pays. À titre d’exemple, les forces de défense et de sécurité, qui concentrent à elles seules plus de 32 000 agents et plus de 205 milliards de FCFA de masse salariale, peinent toujours à assurer une sécurité satisfaisante. Dans les rues, les patrouilles se font rares, le racket persiste et le sentiment d’impunité reste fort.

Une dérive budgétaire aux résultats quasi nuls

L’examen comparatif des lois de finances 2025 et du projet de loi de Finances 2026 illustre une dérive préoccupante de la masse salariale. En 2025, la solde permanente représente 772,3 milliards de FCFA et les primes et indemnités 15,3 milliards. Un an plus tard, ces montants explosent respectivement à 833,7 milliards et 94 milliards de FCFA. Une inflation salariale qui ne trouve pas sa justification dans la productivité, ni dans une amélioration des services publics. Pire, la Fonction publique gabonaise apparaît davantage comme un instrument de clientélisme politique que comme un levier de développement national. Le renforcement des effectifs, souvent sans planification stratégique, contribue à creuser le déficit budgétaire, déjà aggravé par un endettement qui pourrait atteindre 85 % du PIB en 2026. Dans ce contexte, la soutenabilité financière de l’État devient un enjeu majeur.

Pourtant, avec un ratio d’un fonctionnaire pour 19 habitants, le Gabon aurait pu espérer un service public performant, apte à répondre aux besoins fondamentaux de la population. Sécurité, santé, éducation, infrastructures. Mais la réalité est tout autre. Dans l’éducation nationale, par exemple, les difficultés persistent. Mauvaise répartition des enseignants, affectations dans des zones dépourvues de logements et de services de base, découragement des personnels. Le même constat s’applique au secteur de la santé, où les effectifs augmentent sans que les hôpitaux publics ne gagnent en efficacité. Cette contradiction entre volume d’agents et qualité du service pose la question de la pertinence même du modèle administratif actuel.

La faiblesse du système d’évaluation interne accentue la crise d’efficacité. Les agents publics échappent souvent à toute forme de reddition de comptes. L’absentéisme, l’accueil déplorable des usagers, la corruption dans l’attribution des marchés publics et le manque de sanctions disciplinaires nourrissent un climat d’impunité. Malgré les lourds investissements consentis chaque année pour la rémunération des agents, la Fonction publique demeure un gouffre financier, peu productif et peu responsable. Dans un contexte de rareté des ressources et de tensions budgétaires, la rationalisation de la dépense publique devient une urgence nationale. Le gouvernement doit désormais passer du discours à l’action. Instaurer un audit rigoureux des effectifs, conditionner les recrutements à des besoins réels, et surtout, instaurer une culture de la performance et du mérite. Car si rien ne change, le poids croissant de la Fonction publique risque d’asphyxier durablement l’économie gabonaise.

Karl Makemba

Engagé et passionné, Karl Makemba met son expertise et sa plume au service d’une information rigoureuse et indépendante. Fidèle à la mission de Gabon Media Time, il contribue à éclairer l’actualité gabonaise avec une analyse approfondie et un regard critique. "La liberté d'expression est la pierre angulaire de toute société libre." – Kofi Annan

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