Gabon : RSF pour application sans réserve de la dépénalisation du délit de presse

En mission au Gabon, le secrétaire général de Reporters Sans Frontières (RSF), Thibault Buttin, a lancé une alerte claire : la liberté de la presse ne se décrète pas, elle s’applique. Lors de son passage au journal télévisé de Gabon 1ère, il a rappelé que l’Ordonnance n°00000012/2018 du 23 février 2018 dépénalise le délit de presse. Pourtant, la convocation récente de Gabon Media Time par la Direction générale des recherches (DGR) pour des publications journalistiques illustre que cette garantie légale reste lettre morte.
Selon Thibault Buttin, « il faut que la loi soit pleinement appliquée et éviter que des journalistes soient convoqués pour des atteintes qui relèvent du code pénal ». Ses propos interviennent dans un contexte tendu : le 3 septembre, le directeur de publication de Gabon Media Time, Harold Leckat Igassela, était convoqué par la DGR, comme un délinquant ordinaire, alors qu’il ne faisait qu’exercer son métier. Un fait en contradiction flagrante avec l’esprit de la dépénalisation adoptée en 2018, qui interdit toute peine privative de liberté pour des délits de presse.
En théorie, le cadre juridique est clair : les litiges relatifs aux publications relèvent du droit civil et de la régulation par la Haute Autorité de la Communication (HAC), non des enquêtes pénales. Mais dans la pratique, les intimidations judiciaires persistent, jetant une ombre sur la crédibilité des engagements de l’État gabonais.
Entre promesses présidentielles et pressions réelles
Le président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, avait exhorté la presse à « faire son travail, et le faire bien », dès son arrivée au pouvoir. Mais les pressions contre des organes comme Gabon Media Time, ou les menaces voilées qui pèsent sur d’autres rédactions critiques, contredisent frontalement cette orientation. RSF appelle à mettre en cohérence les discours et les actes.
La question est désormais posée : la Ve République peut-elle réussir sa trajectoire démocratique en muselant la presse ? Les journalistes sont des contre-pouvoirs indispensables. Sans leur liberté, la lutte contre la corruption, la gabegie et l’impunité – au cœur des promesses du 30 août 2023 – restera une coquille vide.
La presse, pierre angulaire de la Vème République
Deux ans après le coup d’État militaire présenté comme un « coup de libération », l’absence d’une presse réellement protégée fragilise la crédibilité du processus. RSF propose trois priorités : garantir la viabilité économique des médias, renforcer l’indépendance de la HAC et, surtout, assurer aux journalistes la possibilité de travailler sans pression, sans convocations abusives, sans peur.
GMT TV