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Gabon : qui de Jean Ping et Ali Bongo a favorisé l’assassinat de Kadhafi ?

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En octobre 2011, Mouammar Kadhafi mourait des suites de frappes de l’OTAN sur son convoi à Syrte, marquant la fin brutale de son régime de plus de 40 ans. Une décennie plus tard, les responsabilités sont encore débattues, notamment en Afrique. Lors d’une récente conférence à Dar es Salaam, l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki a affirmé que l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Gabon avaient contribué à cette issue tragique en votant en faveur de la résolution 1973 de l’ONU. Ce vote, autorisant une zone d’exclusion aérienne et des frappes pour protéger les civils, a ouvert la voie à une intervention militaire de l’OTAN. Au Gabon, le débat s’est rapidement cristallisé autour de deux figures : Ali Bongo, président de la République au moment des faits, et Jean Ping, président de la Commission de l’Union africaine.

Le 17 mars 2011, sous l’impulsion de la France, du Royaume-Uni et du Liban, le Conseil de sécurité adopte la résolution 1973. Celle-ci autorise « toutes les mesures nécessaires » pour protéger les civils en Libye, alors en pleine insurrection contre le régime de Kadhafi. Deux jours plus tard, des frappes aériennes sont menées par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, stoppant l’avancée des forces loyalistes vers Benghazi. Le 1er juin, l’OTAN prolonge son opération et intensifie les bombardements. Le 20 octobre, Kadhafi est tué après une frappe sur son convoi, suivie de son lynchage par les forces du Conseil national de transition (CNT). L’intervention, initialement présentée comme humanitaire, s’est ainsi transformée en opération de changement de régime.

Jean Ping marginalisé, Ali Bongo en première ligne

Dans cette crise, l’Union africaine a tenté de jouer un rôle de médiateur. Sous la présidence de Jean Ping, elle propose en avril 2011 un plan de sortie de crise accepté par Kadhafi mais rejeté par les insurgés. La délégation africaine, conduite par Jacob Zuma, demande la fin des frappes, sans succès. Fin juin, Zuma dénonce un « assassinat politique » non mandaté par l’ONU. L’UA est alors écartée du processus décisionnel, laissant la place à une logique militaire dictée par l’OTAN. Jean Ping, malgré ses efforts diplomatiques, reste impuissant face au rouleau compresseur occidental et à l’absence de soutien des États africains au sein du Conseil de sécurité.

Bien que son vote n’aurait rien changé à l’issue, le rôle même symbolique du Gabon dans ce dossier est plus qu’évident. Membre non permanent du Conseil de sécurité en 2011, le pays vote en faveur de la résolution 1973. Son ambassadeur, Emmanuel Issoze Ngondet, nommé par Ali Bongo, engage le Gabon aux côtés des puissances occidentales. La décision du Gabon avait soulevé des questions sur l’indépendance de sa diplomatie et sur l’alignement stratégique d’Ali Bongo, qui semblait avoir préféré les intérêts occidentaux aux initiatives africaines.

Au regard des faits, Jean Ping et Ali Bongo ont eu des rôles très différents. En effet, le premier, engagé dans une voie diplomatique africaine, n’avait pas la main sur les décisions du Conseil de sécurité. Le second, en tant que président de la République, a validé un vote qui a ouvert la voie à l’intervention militaire. La responsabilité directe revient donc davantage à Ali Bongo. Toutefois, la marginalisation de l’UA souligne l’échec collectif du continent à s’imposer comme acteur central de ses propres crises. Dix ans après, le débat reste ouvert, mais une chose est sûre, l’Afrique a été spectatrice plus qu’actrice dans le destin de Kadhafi.

Karl Makemba

Engagé et passionné, Karl Makemba met son expertise et sa plume au service d’une information rigoureuse et indépendante. Fidèle à la mission de Gabon Media Time, il contribue à éclairer l’actualité gabonaise avec une analyse approfondie et un regard critique. "La liberté d'expression est la pierre angulaire de toute société libre." – Kofi Annan

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