Gabon: quelle administration de la justice par des magistrats «pistonnés» ?
Longtemps décriée par Germain Nguema Ella, Président du Syndicat national des magistrats (Synamag), la fraude lors du concours d’entrée à L’Ecole nationale de la magistrature (ENM) semble avoir fait son nid dans notre pays. D’ailleurs, le récent tripatouillage manifeste lors de ce concours administratif pousse à se questionner sur la probité morale de ces fonctionnaires censés rendre la justice en toute équité quand on sait que leur admission est frappée du sceau de la tricherie.
Si le Conseil supérieur de la Magistrature (CSM) présidé le 10 septembre 2021 par Ali Bongo Ondimba, avait mis en exergue le besoin de « l’insuffisance de magistrats et de greffiers dans l’ordre administratif », il est tout de même judicieux de préciser que cette situation implique que de recrutements qualitatifs soient opérés. Pour ce faire, le Concours d’entrée à L’Ecole nationale de la magistrature avait tablé sur 170 futurs magistrats et greffiers.
Pourtant, ce qui s’apparentait à une sélection « juste et équitable » a vite fait de se transformer en véritable fiasco avec le retour au galop des vieilles habitudes qui ternissent l’image des hommes de loi. Il s’agit du tripatouillage caractérisé par les admissions monnayées. Une véritable gangrène qui a favorisé l’ajout de 75 nouveaux noms de manière insidieuse et injustifiée. De quoi nourrir des doutes sur la qualité des futurs fonctionnaires de la justice gabonaise.
Avant-gardiste sur le sujet, le président du Syndicat national des magistrats (Synamag) attirait l’attention de la chancellerie sur le pistonnage et l’achat des places. Lors de son passage sur le plateau de l’émission « Le canapé Rouge » éditée par Gabon Media Time (GMT), Germain Nguema Ella révélait que « des juges mal formés sont des dangers pour l’administration de la justice ». Une mise en garde qui n’aura eu que peu d’échos chez Erlyne Antonella Ndembet Damas.
Cette dernière, dont des sources autorisées admettent qu’elle aurait décidé de rajouter des noms en marge des résultats officiels et du nombre attendus par la Fonction publique soit 170 admis, semble avoir cautionné cette forfaiture à ciel ouvert pour laisser prospérer la médiocrité au sein de cette noble corporation. Une chose est d’ores et déjà sûre, ces « magistrats pistonnés » pourraient être stigmatisés au terme de leur formation.
D’ailleurs, un justiciable a indiqué qu’il entendait récuser la compétence d’un parachuté dans quelques années. « Moi je ne peux pas accepter d’être jugé par Wilfried Ogandaga Vissy. Un recalé rajouté », a-t-il souligné. Autant dire que ce tripatouillage abject vient légitimer la sortie houleuse mais riche de vérités de l’ancien ministre de la Justice le Dr. Francis Nkea Ndzigue qui avait dénoncé la fourberie au sein de ce corps judiciaire. « Les magistrats sont corrompus », fustigeait-il. Que attendre de mieux avec des magistrats placés au détriment des méritants ? La justice gabonaise pourrait en pâtir.