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Gabon : quand Maganga Moussavou stigmatise les maires tsogo de Mouila

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Le président du Parti social démocrate (PSD), Pierre Claver Maganga Moussavou, est au cœur d’une vive polémique après la diffusion d’une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux. Défait dans son propre fief lors des élections locales du 27 septembre, l’ancien vice-président s’en prend vigoureusement à la configuration des exécutifs municipaux de Mouila, désormais entre les mains de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB), arrivée largement en tête. Mais derrière sa critique du partage des responsabilités, ses propos mettent en lumière un glissement très sensible, la dénonciation explicite de la présence de cadres tsogo à la tête de la mairie centrale et des arrondissements, une sortie perçue par beaucoup comme une stigmatisation d’une minorité pourtant bien implantée dans la province.

Dans sa déclaration, Pierre Claver Maganga Moussavou reproche aux responsables locaux d’avoir construit des alliances « derrière le dos » de son parti, en contradiction selon lui avec l’appel à l’inclusivité lancé par le président de la République. Il estime que l’exclusion du PSD et de certains indépendants remet en cause le bon fonctionnement de la ville. Mais le plus choquant est le raccourci qu’il prend en renvoyant des cadres de l’UDB élus à la tête des mairies à leur ethnie et non pour leur appartenance au parti du président de la République. Il les qualifie en effet « d’inconnus » ou « non légitimes ». Cette insistance sur l’appartenance communautaire, au détriment du débat politique, suscite de vives inquiétudes quant à la résurgence de réflexes identitaires au sein du discours public.

Une charge politique aux accents ethnicistes

Poursuivant son réquisitoire, Maganga Moussavou accuse l’UDB d’avoir « pris toutes les places » dans les trois mairies de Mouila, allant jusqu’à parler de « honte » et de « comédie » électorale. Il affirme que les responsables élus n’étaient « pas les meilleurs » et que certains n’auraient obtenu leurs postes qu’à la faveur de « tricheries ». Il regrette également l’absence de l’indépendant Charmant dans l’exécutif du premier arrondissement et fustige le sort qui lui aurait été réservé, évoquant « une carrière brisée » et une volonté d’écarter délibérément cette jeune figure locale. Ses critiques vont même jusqu’à mettre en cause un acteur politique originaire de Ndendé, Maurice Mabiala, qu’il accuse de « faire la loi à Mouila en excluant les enfants de Mouila ».

Dans un ton amer, le leader du PSD affirme qu’il ne saisirait pas les tribunaux, indiquant ne plus avoir « foi » en la justice ni dans les institutions actuelles, estimant que les choix opérés s’opposent frontalement aux orientations du chef de l’État. Il affirme néanmoins qu’il continuera à s’exprimer, rappelant son ancrage local et ses investissements à Mouila. Mais au-delà du conflit politique, sa sortie soulève de sérieuses interrogations. En ciblant de manière répétée la communauté tsogo, Maganga Moussavou ouvre la porte à une lecture ethnicisée du débat municipal, au moment même où le pays sort peu à peu de stigmates politiques. Un dérapage qui risque d’alimenter des tensions inutiles dans une région historiquement sensible aux rivalités locales.

Karl Makemba

Engagé et passionné, Karl Makemba met son expertise et sa plume au service d’une information rigoureuse et indépendante. Fidèle à la mission de Gabon Media Time, il contribue à éclairer l’actualité gabonaise avec une analyse approfondie et un regard critique. "La liberté d'expression est la pierre angulaire de toute société libre." – Kofi Annan

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