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Gabon : quand le gouvernement parle de manque de «culture électorale» pour justifier la triche !

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Le vendredi 3 octobre dernier, réunis autour du vice-président du gouvernement Alexandre Barro Chambrier, les ministres de la République ont tenté de recadrer, d’expliquer, de « contextualiser » les fraudes survenues lors du scrutin du samedi  27 septembre. Et le mot choisi pour cela a de quoi laisser pantois : la « culture électorale ». Autrement dit, le vol du suffrage universel deviendrait une habitude à corriger en douceur, une mentalité à « faire évoluer ».

Mais depuis quand la violation du Code électoral relève-t-elle du folklore national ? Depuis quand le bourrage d’urnes, la falsification des procès-verbaux ou la délivrance frauduleuse de procurations sont-ils devenus des traits culturels ?

Le cynisme d’un État qui reconnaît la fraude sans agir

Cette justification maladroite est d’autant plus grave que le gouvernement reconnaît les faits. Dans un compte rendu parvenu à Gabon Media Time (GMT) gouvernement, parle « d’abus», de  « transhumance électorale », de « procurations non conformes ». Elle décrit précisément ce que le Code électoral, aux articles 335, 343 et 362, qualifie de délits. Mais au lieu de s’en remettre à la justice, l’exécutif invoque la pédagogie.

C’est une inversion morale : la République ne punit plus les fautes, elle les commente. Elle n’applique plus la loi, elle disserte sur les mentalités. Cette attitude ne traduit pas une faiblesse administrative, mais une crise de responsabilité politique.

Une colère partagée, de Ndong Sima à Bilie-By-Nze

Les réactions ne se sont pas fait attendre. Trois anciens Premiers ministres, aux parcours et sensibilités différentes, se rejoignent dans un même constat : le 27 septembre a été une imposture.

Raymond Ndong Sima réclame l’annulation totale du scrutin, Julien Nkoghe Bekale parle de « violations graves » du Code électoral, et Alain-Claude Bilie-By-Nze, désormais à la tête du parti Ensemble Pour le Gabon, tranche : « Le 30 août n’a pas été qu’un coup d’État, c’était un engagement à ne plus jamais avoir d’élections tronquées. Le 27 septembre prouve que rien n’a changé. »

Même Maître Anges Kevin Nzigou, leader du Front démocratique socialiste (FDS), a exclu toute alliance avec ceux qui ont cautionné ou profité de ce chaos. La classe politique, pourtant éclatée, se retrouve dans une indignation commune : celle d’un peuple trahi une fois de plus.

La culture du mensonge d’État

Le pouvoir parle de transformation. Mais comment transformer sans reconnaître ses fautes ? Comment  « éduquer » les électeurs quand ceux qui organisent les scrutins falsifient les règles ? Cette rhétorique de la  « culture électorale »n’est pas une maladresse, c’est une fuite. Une manière de naturaliser la fraude pour éviter d’avoir à la punir.

La vérité, c’est que le samedi 27 septembre a été un désastre politique et moral. Et la parole du gouvernement, au lieu de restaurer la confiance, institutionnalise le doute.

Le serment du 30 août trahi

Le 30 août 2023, le Gabon avait fait le serment d’en finir avec la tricherie électorale. Deux ans plus tard, la promesse s’effrite. Le pouvoir semble redécouvrir que l’impunité a une mémoire longue, et que la démocratie n’est pas un discours, mais une pratique.

Si rien n’est fait, le 27 septembre 2025 ne sera pas un simple accident de parcours, mais la preuve que la transition a échoué là où elle devait réussir : dans l’exemplarité.

Reconnaître la fraude sans en tirer les conséquences, c’est la pire des trahisons républicaines. Et le peuple gabonais, lui, n’a pas besoin d’un cours de morale électorale. Il attend de la justice.

Harold Leckat

Juriste contentieux, Fondateur et Directeur de publication. "La chute n'est pas un échec. L'échec est de rester là où l'on est tombé ", Socrates

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