Gabon : mafia au permis de conduire, la DGTT en flagrant délit de complicité ?

Alors qu’on la croyait révolue, la pratique frauduleuse de délivrance illicite de permis de conduire refait surface à la Direction générale des Transports terrestres (DGTT). Un système mafieux, bien huilé et soutenu par des complicités internes, gangrène une fois de plus cette administration névralgique, au grand dam des auto-écoles et de la sécurité routière.
Des images circulant sur les réseaux sociaux depuis la semaine dernière ont remis en lumière un trafic que beaucoup pensaient éradiqué. Dans un bureau identifiable, des demandeurs sont filmés en train de remettre d’importantes sommes d’argent pour obtenir, sans passer par les circuits réglementaires, le précieux sésame. Le quotidien L’Union du lundi 4 août 2025 a confirmé cette information, évoquant un véritable “retour de la mafia du permis de conduire”.
Des circuits parallèles bien établis
Selon des sources proches du dossier, des démarcheurs, actifs depuis plusieurs mois, collectent des dossiers directement auprès des demandeurs dans les quartiers, les introduisent dans les circuits officiels du Centre national du permis de conduire (CNPC), et obtiennent en échange des quittances présentées comme preuves de formation. Une opération qui coûterait entre 15 000 et 35 000 FCFA au commun des usagers… mais jusqu’à 500 000 FCFA pour des ressortissants asiatiques, selon les confidences recueillies par notre rédaction.
« C’est un système bien huilé au sein des services du ministère des Transports. Il suffit de payer une quittance de 35 000 FCFA qu’ils mettent dans le dossier pour faire croire que le demandeur a été formé dans une école de conduite, alors que c’est totalement faux », affirme un agent en service, sous couvert d’anonymat.
Des réformes détricotées et des auto-écoles menacées
Cette résurgence frauduleuse remet gravement en cause les réformes instaurées par le commandant Guy Oscar Sadibi Mapangou lorsqu’il était à la tête du CNPC. Celui-ci avait institué l’obligation stricte de passer par une auto-école agréée, avec un suivi rigoureux des heures de formation et un dépôt formel du dossier en présence du candidat. Animé par une volonté de moralisation, l’ancien directeur avait mis fin, à l’époque, à la prolifération des permis de complaisance.
Aujourd’hui, les écoles de conduite tirent la sonnette d’alarme. Nombre d’entre elles, en perte d’élèves, évoquent des risques de fermeture. « On ne peut plus fonctionner. Les gens préfèrent payer un démarcheur plutôt que se former. C’est un danger pour tout le monde », déplore un responsable d’auto-école du 5e arrondissement de Libreville.
Un danger pour la sécurité publique
Au-delà du scandale administratif, c’est toute la sécurité routière qui est mise en péril. « Les comportements sur les routes sont de plus en plus inquiétants. Des conducteurs inexpérimentés, sans aucune notion du code de la route, mettent en danger la vie d’autrui », s’alarme un membre d’une ONG de prévention routière.
Ce système frauduleux, qui substitue l’exigence de compétence à l’appât du gain, soulève une question centrale : que fait le ministère des Transports face à ces révélations ? Il est plus qu’urgent de déclencher un audit interne et de suspendre les agents impliqués, avant que ce trafic ne provoque des drames évitables sur nos routes.
Dans un contexte de transition politique et de promesse de rupture avec les pratiques du passé, ce scandale risque de devenir un test de crédibilité pour les autorités. Car s’il est un domaine où l’État ne peut tolérer la compromission, c’est bien celui qui touche à la vie des citoyens.
GMT TV