Gabon : l’investissement ralenti par le poids de la dette

En mars 2025, le Gabon a engagé l’opération « Mouele », une restructuration majeure de sa dette intérieure de 1 400 milliards FCFA, visant à réduire les risques de liquidité et à donner de l’air à sa trésorerie. Négociée avec dix banques de la CEMAC, cette initiative a permis d’allonger la maturité moyenne des titres de 2,3 à 6 ans, de titriser 473 milliards de créances bancaires et de mobiliser 338 milliards de nouvelles ressources. L’objectif était double : améliorer la liquidité du système bancaire et dégager des marges de manœuvre pour financer investissements publics et règlement d’arriérés.
En parallèle, Libreville a procédé à deux rachats anticipés de son euro-obligation de juin 2025, réduisant une dette initiale de 700 millions USD, mais au prix de taux d’intérêt particulièrement élevés, reflet de la perception d’un risque souverain accru. Ces opérations, en convertissant une partie de la dette extérieure en dette intérieure, ont permis un répit budgétaire, mais elles n’effacent pas la contrainte majeure que représente le service de la dette.
Un fardeau budgétaire qui freine l’investissement
Selon la Banque mondiale, le service de la dette représentait encore 42,6 % des recettes publiques en 2024, limitant fortement les capacités d’investissement de l’État. Si ce ratio a légèrement reculé par rapport à 2023, il reste nettement supérieur au niveau observé il y a cinq ans. Les coûts de financement se sont alourdis sous l’effet conjugué d’un resserrement monétaire mondial, de taux plus élevés exigés par les créanciers et d’un contexte politique incertain depuis la transition d’août 2023. La dégradation des notes souveraines par Fitch (CCC) et Moody’s (CAA2) a renforcé la prudence des investisseurs.
Sur le marché régional, la même tendance se confirme : en janvier 2025, les bons du Trésor à trois mois affichaient un rendement de 6,73 %, contre 3,06 % en 2019. Les titres à un an dépassaient 7,6 %, un niveau rarement atteint depuis une décennie. La proximité des élections présidentielles anticipées en avril 2025, bien qu’ayant clarifié le calendrier politique, a temporairement accru l’incertitude et, avec elle, les coûts d’emprunt.
Pour restaurer sa capacité d’investissement, le Gabon devra combiner discipline budgétaire et réformes structurelles : élargir l’assiette fiscale, améliorer l’efficacité de la dépense publique et renforcer la transparence sur la dette. Dans un contexte de financements extérieurs plus rares, ces mesures seront cruciales pour maintenir l’accès aux marchés et préserver la soutenabilité de la dette à long terme.
GMT TV