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Gabon : bitumer 3 000 km, oui… mais par où commencer ?

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Le ministre des Travaux publics, Edgard Moukoumbi, a annoncé un objectif historique : bitumer 3 000 km de routes en seulement sept ans, soit plus que ce que le Gabon a réalisé en 65 ans d’indépendance. Une ambition colossale qui, si elle est tenue, transformerait le quotidien de millions de Gabonais. Mais la vraie question demeure : par où commencer ? Car derrière ce chiffre se cachent des axes vitaux, totalement laissés à l’abandon, et qui devraient constituer la colonne vertébrale de ce plan.

Des routes stratégiques dans le grand Sud. Dans la province de la Ngounié, plusieurs axes cruciaux attendent d’être bitumés. Lebamba-Mbigou-Malinga-Molo figure en tête de liste : cette route permettrait de relier des localités entières et de désenclaver la zone. À Mbigou, le projet est particulièrement attendu, le lancement des travaux est largement salué par les populations : il ouvrirait ce carrefour des départements de l’Ogoulou, de la Louetsi Wano, de la Louetsi Bibaka et de la Lombo-Bouenguidi dans l’Ogooué-Lolo. Un nœud géographique qui, une fois relié, dynamiserait les échanges commerciaux et les mobilités sociales.

Toujours dans le sud, Mbadi-Moabi-Tchibanga reste un chantier fantôme. Cet axe de près de 120 km n’est qu’une piste d’éléphants où les populations de la Douigny peinent à circuler. Lebamba-Mimongo ou encore Mbigou-Popa et Mbigou-Nzenzele, constituent autant de tronçons oubliés, pourtant essentiels pour fluidifier la circulation dans la Ngounié. Ces routes, si elles sont bitumées, changeraient radicalement le quotidien des habitants et ouvriraient de nouvelles perspectives économiques.

Des liaisons abandonnées en Ngounié et dans l’Ogooué-Maritime

D’autres axes montrent l’ampleur du retard accumulé. Carrefour Oyenano-Sindara n’a jamais été travaillé, tout comme Sindara-Ikobé. Plus grave encore, du Carrefour Yombi jusqu’à Mandji et de Mandji à Omboué, cet axe qui relierait la Ngounié à l’Ogooué-Maritime est aujourd’hui impraticable. Les habitants de Foureplace-La Remboué par le lac Azingo continuent de subir un enclavement qui, à l’ère de la Vᵉ République, ressemble à une relégation économique et sociale. Relier Mimongo à l’Ogooué-Lolo par Iboundji permettrait aussi de réanimer un couloir d’échanges aujourd’hui totalement marginalisé.

Les oubliés de l’Est et du Nord

Dans le Haut-Ogooué, les routes d’Okondja incarnent la faillite des priorités routières. L’axe Okondja-Ambinda, pourtant frontalier du Congo, n’est pas goudronné. Pas plus qu’Okondja-Franceville via Andjogo, un tronçon pourtant vital pour connecter les bassins économiques. Okondja-Lastourville, qui transporte pourtant le manganèse, demeure dans un état déplorable. Quant à Okondja-Makokou et Okondja-Aboumi, ils illustrent parfaitement l’abandon d’un réseau secondaire pourtant stratégique pour l’intégration nationale.

Plus au nord, l’axe Kougouleu-Medouneu est tout aussi emblématique. Google Maps lui-même le propose comme itinéraire pour relier l’Estuaire au Woleu-Ntem, mais sur le terrain, c’est une route qui n’existe que sur les cartes. 

La route départementale Oyem–Minvoul, aujourd’hui en état de forte dégradation, constitue un axe stratégique reliant la capitale provinciale du Woleu-Ntem au chef-lieu du Haut-Ntem. Plusieurs localités de l’Okano, du Woleu et du Haut-Komo via trois tronçons principaux : Oyem–Mitzic (54 km), Oyem–Bibasse (84 km) et Oyem–Medouneu (70 km) attendent leur construction. Cette négligence empêche tout développement local et prive des milliers de Gabonais de ces contrées de mobilité et de services essentiels.

Un test grandeur nature pour l’État

Bitumer 3 000 km, c’est bien. Mais choisir les bons axes, c’est vital. Car ces routes ne sont pas de simples rubans de bitume : elles incarnent l’intégration nationale, la justice territoriale et la crédibilité de l’État. Tant que Mbigou, Moabi, Iboundji, Medouneu ou Okondja resteront isolés, parler de développement équilibré restera une promesse creuse.

Monsieur le ministre, Monsieur le Président, l’histoire retiendra moins le chiffre de 3 000 km que les choix que vous ferez. Relever ce défi, ce n’est pas simplement construire des routes, c’est reconnecter un pays fracturé, redonner espoir aux populations oubliées, et inscrire la Vᵉ République dans une trajectoire de justice et de développement durable.

Harold Leckat

Juriste contentieux, Fondateur et Directeur de publication. "La chute n'est pas un échec. L'échec est de rester là où l'on est tombé ", Socrates

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